Olympia ALBERTI

1 bis, rue Abou-Nawas



Le voyage est élan vers l’ailleurs. Regards et doigts émus y effleurent la paroi irisée où se laissent entrevoir d’autres chemins, d’autres destinées. Le voyage est cet espoir de ce qui s’entrouvre d’à la fois parfumé et indicible, là où on n’attendait pas, là où on ne connaissait pas.

Le titre du recueil de nouvelles d’Olympia Alberti est pourtant une adresse avec toute la force d’un ancrage dans l’unique qui revient et le poétique : « 1 bis, rue Abou-Nawas ». Et sans doute la demeure est-elle l’acmé de ce que l’on rêve et que l’on désire dans le voyage, le miracle d’être et de rester ailleurs, à l’affût de ces bribes, poignantes comme l’émotion qui noue les gorges un jour à l’aéroport de Carthage, légères comme la brume qui enveloppe les rues de La Marsa un matin de printemps. Car ce recueil est fait de bribes, aussi lumineuses que fragiles, un éclair vers l’ombre qui s’attarde sur un visage ou le discret chuchotement de qui pense en regardant la vie.

Délicate attention à ce qui sommeille dans le souffle des autres, ces nouvelles revisitent une Tunisie intime et combien aimée. Par petites touches, Olympia Alberti ressuscite un temps et des êtres. Un paysage s’éclaire, se peuple de ces vies tunisiennes croisées, rencontrées autrefois et aussi de ce que l’auteur y glisse de rires et de jeux d’enfants, venus résonner près de la table de l’écrivain.

Ce livre est aussi présence à l’écriture qui advient. Si l’auteur entrecroise ici les fils d’une mémoire émue, elle y tisse aussi ceux d’une méditation sur la genèse de l’écrit, le mystère du travail sur les mots. Ainsi cette magnifique « Fenêtre jamais fermée ». Olympia Alberti y évoque bien une fenêtre qui fut la sienne à La Marsa mais elle en fait un hymne à l’écriture. La fenêtre miraculeusement située rue Abou-Nawas devient le lieu de toutes les épiphanies : « ma fenêtre a retenu dans sa nasse de pêcheuse des papillons, des moustiques, des oiseaux dont le nid pépiant gîtait près de la lampe du grand auvent, les feuilles blanches ou jaunes, les feuilles vierges ou chargées de mots… »

Saluons aussi le plaisir qu’offre aux lecteurs la superbe facture des ouvrages publiés aux éditions Elyzad… Encore une fois le livre se fait écrin pour accueillir la beauté d’un texte dont il prolonge le bonheur jusque dans le toucher.

Cécile Oumhani 

Cet article a paru le 1er octobre 2007 dans le quotidien tunisien La Presse


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Editions Elyzad
140 pages - 13,90 €



Editions Elyzad
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1000 Tunis


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