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Philippe BESSON
Le roman se déroule sur une journée. A Los Angeles. Laura, une femme désignée pour ces choses-là, les choses
matérielles, maternelles, conjugales. Aujourd'hui plus d'enfant, plus
de mari. En parallèle, nous pénétrons dans le monde ravagé de Samuel. Cette journée, il va se rendre aux obsèques de son fils de 17 ans. Il reste assis sur le sofa, le corps penché vers la boîte de pizza, il voudrait que la douleur s'arrête et elle ne s'arrête pas. Paul avait dix sept ans. On ne meurt pas quand on a dix sept ans. Et ainsi tout au long de cette journée, en alternant les chapitres Laura et Samuel, nous comprendrons la détresse brute de l'un, les fondements du désespoir de l'autre, mais aussi leur doutes, leurs ratages, leurs réflexions. La sensibilité de l'auteur perce dans cette analyse de leur cheminement. Laura commence sa journée comme tous les jours et l'auteur nous décrit avec force précisions, ses rites, ses habitudes. Dans chaque chapitre, au fil de la journée et de ses occupations, arrive un souvenir, parfois sans qu'elle s'y attende elle ne s'y attarde pas, la cicatrice est trop vive, parfois elle le provoque, qui vient interférer dans ses pensées. La journée et ce qu'elle en fait, le sens qu'elle lui donne, se déroule ainsi sous nos yeux inquiets et nous attache à cette souffrance qu'elle semble banaliser dans cette forme de désespoir atone. Elle fait place nette en quelque sorte. Un dernier rendez-vous, espoir inconscient peut-être, avec son plus jeune fils qui, toujours distant, sera décevant. Philippe Besson nous glisse ici tout son talent dans la précision quasi
photographique des détails sur les couleurs des paysages comme sur les
pensées de ses personnages. Là-aussi, un juste nuancier approprié.
Tout en proposant une réflexion sur la mort voulue. Laura a décidé de se servir d'une arme. Du moment et du lieu où elle s'en servirait. Tout de même elle est décontenancée par ces assauts répétés, ces résurgences régulières d'une mémoire douce. Et si cela faisait trembler sa main ? Et si cela l'empêchait d'appuyer sur la gâchette ? Est-ce qu'à la dernière minute elle pourrait flancher ? ne pas y arriver ? Newport Beach. Les lignes désignent deux individus : soit elles sont parallèles
et rien ne sera possible entre eux car pour toujours ils ne se situent pas au
même niveau, soit après avoir flirté, elles s'écartent
pour ne plus jamais se rejoindre, soit elles sont sinusoïdales, se croisent
parfois, les êtres ne se retrouvant au même niveau des sentiments
au même moment et leur intersection est, de toute façon condamnée
à la brièveté. Cette écriture si sensible nous prend dans ses filets d'émotions diverses et notre plaisir de lecture est constamment infiltré par la réalité de la souffrance des personnages. Anne-Marie Boisson (24/03/12) |
Sommaire Lectures Editions Julliard 320 pages - 19 €
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