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Caroline BOIDÉ
Les Impurs
Dans la loi de nos pères, Malek et moi étions des pestiférés,
des impurs. Pour eux, notre union était une malédiction.
Alger 1955. David, le narrateur, a quitté Batna, sa ville natale, pour
s'installer dans la capitale et reprendre l'atelier d'ébénisterie
que n'utilise plus son frère Jacob.
Malek, une jeune bibliothécaire, travaille rue Sétif où
l'on trouvait principalement des livres en français.
Dès la première rencontre, un désir dévorant les rapproche.
L'arrière-chambre de l'atelier devient le rendez-vous secret de leurs étreintes
passionnées.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si nous n'étions
en Algérie en 1955, si David n'était juif et Malek musulmane. Là,
bien sûr, la relation se révèle très complexe
La construction du livre alterne la narration de David avec des pages de courtes
notations évoquant l'imbrication des communautés au quotidien,
mais aussi les débuts du conflit, le terrorisme et les embuscades
Un peu plus tard, des pages écrites par Malek et confiées à
David nous montrent une jeune femme très déterminée à
vivre à sa manière, décidée à écrire
aussi, ce qui est inacceptable pour son père.
C'est une faute d'écrire. Pour nous, c'est une honte. Écrire
est un caprice de gamine qui passera si tu y mets le cur. Et les gens,
y as-tu pensé ? Que vont-ils dire de nous ? Tu ne devrais pourtant jamais
oublier que tu es une femme musulmane et algérienne avant tout. Comment
espères-tu qu'un homme veuille un jour de toi si tu t'es déjà
donnée à la multitude ?
Écrire n'est pas un divertissement, mon père, mais un combat contre
une chose plus grande, une émotion assaillante qui vient jusqu'à
galvaniser mes mots.
David, lui, n'est pas prêt à remettre en question les traditions
religieuses et familiales
Il était temps de me retirer de notre histoire d'amour avant qu'il
ne soit trop tard. Le dehors et sa force m'y obligeaient. Ma propre lâcheté
m'écurait mais je la préférais encore à cette
vision d'effroi, à la mise au monde de bâtards sur ce sol, à
un amour qui répudierait la vie. Un Juif et une musulmane en Algérie
auraient fait des vauriens, des bons à lyncher, des mort-nés aux
racines calcinées. Nous aurions vécu cachés. A cette époque
de guerre civile, l'identité n'avait rien de personnel, elle était
liée aux origines et livrée à tous. Je ne voulais pas fabriquer
de pitance pour les chiens.
Avec Les impurs, Caroline Boidé nous offre un roman exceptionnel,
fort et émouvant, autour d'un amour impossible dans une situation de
plus en plus conflictuelle, avec un personnage féminin magnifique dans
sa rage de vivre, d'écrire et d'aimer, "fracassant les interdits",
acceptant tous les sacrifices pour assumer l'absolu de ses choix
et de ses désirs. Deuxième roman, un auteur à suivre...
Serge Cabrol
(30/01/12)
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Sommaire
Lectures
Editions Serge Safran
160 pages - 15 €
Caroline Boidé,
est née d'une mère juive d'Algérie
et d'un père originaire de France.
Les Impurs est son deuxième roman.
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