Avec Orages ordinaires, William Boyd a choisi d'écrire un roman
au cur de Chelsea, le quartier où il réside. Le décor
est donc celui de son quotidien, à proximité de la Tamise et de
sa "luminosité particulière". Tamise vénérée,
Tamise en filigrane tout au long de ce livre aux caractéristiques d'un
thriller.
L'histoire est celle d'Adam Krinberg.
De retour à Londres après un long séjour aux États-Unis,
il fait connaissance, au restaurant, du docteur Philip Wang, chef de développement
de la société pharmaceutique Calenture-Deutz. Celui-ci oublie
un dossier sur son siège. Adam le lui rapporte à son appartement
et le découvre en sang, un couteau à pain planté dans la
poitrine. Coupable idéal, paniqué, il s'enfuit et se cache dans
un triangle de terrain vague entouré de buissons au pont de Chelsea.
Les jours suivants, sa tête est mise à prix cent mille livres.
Témoin gênant d'intérêts supérieurs politico-financier,
Adam va faire en sorte de s'effacer de la vie sociale. Il se débarrasse
de son téléphone portable et de sa carte de crédit. Il
change d'identité, devient John 1603 et loge au Shaft, un quartier déshérité
où il sous-loue une chambre à Mhouse, une jeune tapineuse. Il
a à ses trousses l'implacable Jojo Case, du Risk Averse Group. À
nouveau repéré, le voilà qui devient le brancardier Primo
Belem.
Dans son errance, il fait la connaissance de Rita Nashe, policière à
la brigade fluviale. Entre eux naît une douce et paisible idylle.
À travers un parcours semé d'embûches, Adam n'a de cesse
de rebondir afin de comprendre pourquoi l'on a assassiné Philip Wang.
Que s'est-il donc passé dans les recherches de cet homme sur le Zembla-4,
un médicament miracle censé signifier la fin de l'asthme.
L'intrigue est narrativement parfaite.
En de courts chapitres, Boyd a le don de maintenir un suspense qui nous tient
en haleine au fil des pages. S'entrecroisent une multitude de personnages secondaires,
chacun accompagné d'une courte biographie, tels Mhouse, Ly-on, Rilke,
Bozzy Wladimir, liés les uns aux autres de façon indirecte en
de savoureuses mini-histoires.
En une atmosphère début XXIe siècle, on pénètre
l'univers impitoyable de Londres, cette cité tentaculaire, si multiculturelle,
où suintent la solitude des êtres, les misères sentimentales,
comme les drames ou les petits bonheurs.
Voilà un roman qui touche à la fresque contemporaine. On y décode,
tout en se délectant, les ficelles d'un singulier thriller.
De la belle uvre !
Un grand plaisir est promis au lecteur.
Patrick Ottaviani
(24/10/11)