Michel BROSSEAU

La BAC d'abord



Le 27 octobre 2005, des émeutes débutent à Clichy-sous-Bois et se répandent à travers la France durant trois semaines. A l’origine de ces événements, le décès de deux adolescents, électrocutés dans un transformateur EDF où ils s’étaient réfugiés pour échapper à un contrôle de police.
C’est à partir de cette tragédie non clairement élucidée que Michel Brosseau a construit son roman.

Voici un ouvrage très troublant. Il s’agit bien d’une fiction mais si proche des faits réels qu’on oublie par moment où l’on se trouve. De par une structure originale, l’auteur provoque les réactions les plus diverses : curiosité, révolte, compassion, impuissance, désir de comprendre… tout un faisceau de sentiments auxquels nous sommes peu habitués dans un roman à suspense ordinaire.

A La-Chapelle-Saint-Jean près de Saulieu sur Loire, deux adolescents en train de fumer des pétards font l’objet d’un contrôle de la BAC (Brigade Anti-Criminalité). Tony est maîtrisé mais Bastien 17 ans s’enfuit par une rocade à quatre voies et meurt percuté par les voitures. Patrick, professeur de Français assiste à une partie de « l’accident » ; il est bouleversé d’autant plus que Bastien était un voisin et fréquentait le lycée où il exerce.

L’histoire se lit à travers l’intervention de plusieurs protagonistes et s’ouvre sur le journal intime d’un adolescent, écrit dans une orthographe approximative : Ça serait mieux si j’arétais l’école. Au colège ça alait encor a peu prèt, mais la ç’ai la cata ! Suit le premier chapitre écrit à la troisième personne puis un autre journal, celui de l’enquêteur ou plutôt de l’écouteur, Patrick. Enfin des articles de journaux locaux apportent des informations, d’abord parcellaires puis qui évoluent de façon hésitante pour aboutir à une conclusion définitive. L’ensemble est si habilement imbriqué qu’il est bien difficile de lâcher l’ouvrage.

Patrick n’est pas un héros. Marié à Hélène, père de deux enfants, c’est un nostalgique du rock des années 70 qui apprécie assez régulièrement la bière et le whisky. Patrick, c’est vous, c’est moi face à un fait qui bouleverse son quotidien et l’obsède. Aussi, sur les conseils de son épouse, il décide de mettre à plat les éléments du fait divers.
Avant tout m’inscrire en faux : ceci est un assassinat. Sans préméditation ni coup porté. Mais un assassinat tout de même… Comment dévoiler un peu de cette vérité qui échappe, louvoie dans le non-dit ? en consignant ici tous les éléments que je pourrai réunir. Sans souci d’un apparent désordre. J’espère que tout cela formera sens au bout du compte. Vaste collage qui m’attend. Kaléidoscope. A moi ensuite de reconstruire l’image cachée, explosée.

Et Patrick va consigner ce qu’il a vu, ce qu’il lit, ce qu’il imagine et surtout ce qu’il entend : les réflexions d’une collègue croisée dans un hypermarché, la révolte des uns à l’occasion d’une marche en l’honneur de Bastien, l’incompréhension des autres devant ces jeunes qui traînent, la crainte de ceux qui se sentent plus en sécurité avec une surveillance policière. Il note aussi l’extrême agressivité des policiers qui cherchent par tous les moyens à faire dire à Tony que Bastien était un dealer. Et parmi les approximations des conversations informelles et les avis prudents des élus et des journalistes, Patrick va tenter de se frayer un chemin vers la vérité, en écoutant les autres avec simplicité et empathie. Le témoignage de Tony et de ses parents est à ce titre un sommet de pudeur et d’émotion.
Un polar intime dont il semble difficile de sortir indemne.

Patricia Châtel 
(25/03/08)    



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Noir & polar








Editions du Barbu
200 pages - 15 €