André BUCHER, Le Cabaret des oiseaux


Ici, comme dans  Le pays qui vient de loin, précédent roman d'André Bucher, la vallée du Jabron, dans les Alpes de Haute-Provence, où vit l'auteur, sert de décor. Ou plus exactement de cœur. Le héros en est, une fois encore un enfant sur lequel le vent mauvais s'est acharné.

La nature, à la fois proche et grandiose, est décrite de l'intérieur, avec émotion à l'étrange façon poétique et documentaire d'Hubert Mingarelli (La dernière neige, Quatre soldats, Hommes sans mère), superbe !

Face à la dureté tranquille de la nature, le délire des hommes. Comment survivre quand à six ans votre mère est tuée par deux taulards évadés sous vos yeux. Que le père muré dans la souffrance s'abîme dans le travail et l'alcool, que la violence est partout. L'enfant, en état de choc, reçoit les mots à l'état brut, les interprète de façon personnelle, drôle même, parfois, mais s'isole dans son tilleul. Spectateur des autres, de lui-même.

Si je pense à la mort, à Blanche ma mère première, je crois que la mort arrive quand on a plus de mots. Juste une boule, grosse boule pleine de colère, une pelote de laine noire qui vous bascule dans la gorge, les gouttes de tristesse s'échappant le long des joues ou du nez. Heureusement, il existe des mots joyeux. On en trouve un, tiens, il me fait chaud au cœur, celui-là. On en essaie un de plus, ils ont l'air de s'entendre, de se compléter, puis on bâtit une phrase et ça va de mieux en mieux. On joue avec, ils s'enroulent dans la tête, alors en sort une jolie pelote de laine. Vous n'êtes plus ce petit garçon triste mais le chat qui lance la patte, fait rouler la pelote, tout en ronronnant »

Le rêve, la compagnie de deux oiseaux apprivoisés, l'abreuvent, le sauvent. Après il y aura de purs moments de tendresse avec le vieux Germain, grand-père putatif et Maryse, la maman seconde. Du bonheur même parfois. Entre ces personnages cabossés par la vie, Tristan, le solitaire, saura peut-être se reconstruire, malgré le malheur qui rôde, tenace.

Cette histoire terrible se trouve comme adoucie par la beauté, la force vitale de la nature, pour en devenir presque sereine et optimiste. Son réalisme poétique est bâti sur une subtile combinaison d'hymne à la vallée sauvage et à la vie avec la violence, le drame et le désespoir. A ces personnages charnels et décalés le lecteur s'attache assurément. La musique douce et tenace d'une langue travaillée sans en avoir l'air vient couronner le tout. La recette est excellente et on se régale. Un grand roman.

Dominique Baillon-Lalande 



Retour
Sommaire
Lectures









Sabine Wespieser éditeur
188 pages
18 €











Pour en savoir plus
sur André Bucher,
pour découvrir
les autres
titres et auteurs
de cette maison d'édition :
www.swediteur.com