Natalie CARTER

Valdingue


L'intrigue se développe par les voix successives de trois personnages, Antonin, "le type" et "la fille" qui racontent les heures qui font basculer leur vie. Valdinguer, c'est tomber violemment.

Augustin, 13 ans, n'a jamais connu ses parents et vit dans une ferme, élevé par un vieil homme brutal et taciturne, son grand-père. Quand cet enfant solitaire, presque sauvage, apprend par une carte postale que la mère qu'il croyait noyée l'a en fait abandonné, qu'elle vivait aux USA et qu'elle vient de mourir, il laisse libre court à sa rage et à sa haine. Tout brûler puis s'enfuir en abandonnant le corps calciné de ce « vieux con » qui lui a menti. « Marcher plus vite, laisser derrière moi, pour la vie, cette odeur de fumée qui me colle aux narines. Et le reste aussi. Pour la vie. S'il vous plaît. »

C'est un bon marcheur mais il n'a pas encore l'âge de la cavale de ses rêves et, fatigué, il acceptera vite la proposition de cette sirène en imperméable beige qui l'appelle "Alexandre" et lui propose de l'héberger dans sa maison au bord de l'océan. Lui n'a jamais vu autre chose que son village de campagne. Elle, belle, riche et peintre célèbre, est en deuil de son fils. Comment Augustin, cet enfant en manque d'amour, résisterait-il à cette proposition inattendue de vacances et à la tendresse maternelle qui s'offre ainsi à lui ? Enfilant la peau du mort, il se prête donc de bon gré au jeu qu'elle lui impose. Ensemble, ils vont pour un temps oublier leur solitude et leurs défaillances en un fugace semblant de bonheur.

Mais caché dans les dunes, Jean, l'écrivain raté, surveille ce couple étrange pour rendre son rapport téléphonique journalier à sa maîtresse, la fille délaissée de l'artiste. Le lecteur pressent vite que couve un drame qui réunira Augustin l'incendiaire, Eve la mère douloureuse aux frontières de la folie et Jean « faux cynique agité de sentiments extrêmes, d'émotions démesurées, il s'y empêtre comme dans un vêtement trop grand pour lui ».
Quand l'homme « dont l'imagination a pris feu » rompt brutalement avec son amante pour se livrer tout à son obsession et au désir incontrôlable que cette femme à la dérive lui inspire, les jeux sont faits. « Les personnages tombent. Ils n’ont plus rien à perdre ou à gagner, ils se jettent en avant, les yeux ouverts, sans savoir où ils vont atterrir. » (Natalie Carter)
Quand le type s'introduit subrepticement dans la maison, monte l'escalier de la chambre et se jette sur la femme endormie, on sait que le pire va arriver. Antonin les sens en alerte balance ses pinceaux et se précipite. Sur le tapis traîne un couteau et dehors le gravier de l'allée crisse sous les roues d'une voiture.

C'est la fille, dernière voix du récit qui éclairera cette sombre histoire. A l’interrogatoire, elle vide son sac évoquant sa mère, son enfance, son frère Alexandre, les passions et frustrations qui ont miné dès le départ cette famille maudite. « Ma mère est un piège à loup, je vous l'ai dit, mais, moi, sa fille, j'attends depuis vingt-sept ans qu'elle me permette enfin d'en subir la morsure ». Dans ses propos, elle se met à nu et nous livre Jean qui « voudrait qu'on le haïsse autant qu'il se hait et qu'on l'aime autant qu'il est capable d'aimer », « un lâche... (qui fait tout) pour ne pas trouver chaussure à la démesure de son pied ». L'homme dont elle dit : « j'ai aimé qu'il ait besoin de moi, j'ai aimé sa faiblesse, ses mensonges, j'ai aimé tout ce qu'il essayait de me cacher. » Elle avoue aussi la culpabilité enfouie, le désespoir immense et la folie qui rode aux aguets. Une confession terriblement noire sur les dégâts produits chez tous les personnages par le manque obsessionnel de l'amour.

Nathalie Carter est scénariste pour le cinéma et la télévision et l'on sent ici, la précision du découpage et le sens de la progression dramatique. Valdingue est un drame en quatre actes qui évoque en creux les relations mère/enfant et explore les limites de la folie. Construit suivant une structure elliptique et jouant du suspens, ce premier roman juxtapose les points de vue pour dévoiler par petites touches la psychologie des personnages, leurs secrets. L'intrigue, nourrie de détails qui nous aident ou nous égarent, ancrée dans les paysages de cette côte landaise désertée, s'étoffe au fil des pages sans qu'aucun personnage ne parvienne à éveiller notre sympathie mais que tous exercent une fascination sur le lecteur.
Un livre prenant, obsédant comme la folie, émouvant comme une tragédie et violent comme les sentiments humains quand ils basculent dans la démesure.

Dominique Baillon-Lalande 
(14/06/07)    



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Editions Robert Laffont
140 pages - 17 €


www.laffont.fr







Natalie Carter est scénariste pour le cinéma et la télévision. Valdingue est son premier roman.