Hannelore CAYRE

Ground XO


Hannelore Cayre a inventé un personnage récurrent haut en couleur, Christophe Leibowitz, un garçon pas bien clair, dans le genre alcoolo-rebelle, dont l’originalité est d’être avocat pénaliste (comme l’auteure elle-même).
Après ses deux premières aventures, où il s’est retrouvé en tôle pour complicité d’évasion (Commis d’office, 2004) et impliqué dans un trafic de tableaux (Toiles de maître, 2005), notre avocat bien-aimé hérite maintenant d’une fabrique de Cognac.

Tante Marguerite vient de mourir et Christophe Leibowitz apprend chez le notaire qu’un tiers de l’entreprise du grand-père lui revient, à part égale avec ses cousins, Valérie et François.
Valérie gère la distillerie Berthier de façon solide et traditionnelle, à l’ancienne. Christophe aimerait apporter un peu de fun là-dedans, créer une marque plus dynamique, faire de la publicité et attirer un public branché vers un produit tendance.

— C’est simple. J’ai une petite marque de cognac, là, et il lui faut de la pub. J'ai pensé à faire comme Courvoisier ou Henessy ; produire un rappeur qui rimerait un truc cool pour montrer à quel point c'est cool d'en boire. Une star créée de toutes pièces qui chanterait les textes des autres. Comme P. Diddy avec Notorious BIG, voyez ? Evidemment, ça serait mieux si le mec avait un casier ! Il y aurait des filles à poil et des belles caisses... Le type, il aurait des bling-bling énormes en diamant qui lui pendraient du cou, genre Uzi incrusté de pierreries... et une doudoune Chanel blanche avec du renard polaire. Et puis il irait sur son yacht de la côte d'Azur. Il serait là, à se la donner avec ses potes, à sniffer des rails de coke sur le dos de filles à quatre pattes... et surtout, il se pinterait la gueule avec mon truc.

Le cousin François, chorégraphe contemporain amoureux de son danseur afro-américain, ne s’y oppose pas et Valérie, minoritaire, doit supporter la révolution de l’alambic.

Paradoxe cocasse, au moment où Christophe Leibowitz se retrouve producteur de cognac, il est verbalisé deux fois de suite pour conduite en état d’ivresse et soumis à un sursis mise à l’épreuve avec obligation de soins. Le psychiatre accepte de lui signer ses certificats mensuels pendant un an si l’avocat fait l’effort de lui envoyer chaque mois une lettre racontant un rêve.
Le roman se trouve ainsi rythmé par des courriers aux curieuses évocations…

L’avocat, tout en s’occupant vaguement de ses affaires en cours, obtient la libération conditionnelle d’un jeune dealer doué pour le rap qui accepte de lui concocter un clip adapté à la cible commerciale du nouveau cognac Ground XO.

J'veux me faire la belle, la malle, changer de clientèle
Où l'herbe est plus verte, où ça brille, où c'est classe,
où les gens ont d'la race. Incrusté dans ta place,
où ça sent bon le pognon, le caviar, le dollar et l'Dom
Pérignon. Je suis bien !

Je cogne, j'ai la niaque
J'viens vivre en dessous de chez toi
Je m'casse la tête au cognac
Le matin, le soir, à tous les repas*

Christophe Leibowitz est subjugué par le talent de son rappeur et nous par celui de Hannelore Cayre qui nous fait partager sa connaissance pointue des univers judiciaire, carcéral et de la délinquance pour un roman passionnant et jubilatoire qui trouve un écho quotidien très fort dans cette époque bling-bling où le yacht et le jet privé partagent le journal télévisé avec le mal-être des banlieues et les méfaits de la "racaille". Une lecture à la fois drôle et salutaire.

Malheureusement, dans l’état où l’auteur laisse son anti-héros à la fin du roman, on se demande si une quatrième aventure est envisageable…

Serge Cabrol 
(07/01/08)    



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Noir & polar







Métailié Noir

Noir
136 pages, 8 €





Hannelore Cayre,
avocate pénaliste,
est née en 1963.
Ground XO est son troisième roman.