Collectif

Petite Ceinture


La Petite Ceinture c’est une ligne ferroviaire, aujourd’hui désaffectée, construite à la fin du XIXe siècle sur le pourtour parisien. Photographiée dans ses moindres recoins obscurs par Jean Distel, elle retrouve vie sous la plume de 29 écrivains qui ont écrit une nouvelle, à partir d’une de ces photos noir et blanc.
L'ouvrage a été coordonné par Arnaud de Montjoye et Jean Distel.

« La Petite Ceinture : des kilomètres de voies ferrées larguées pour cause de non rentabilité et de pseudo modernité, des voies devenues, bien malgré elles et nous, une cicatrice, une sorte de no man’s land circulaire qui séparerait une plus-belle-ville-lumière-du-monde de ses déchets : prolos jetés comme de vieux Kleenex ; chômeurs sans ou avec droits (de préférence d’éloignement) ; migrants hantant et rasant les murs qu’ils ont contribué à bâtir ; minots sans parenté particulière, sans histoire officielle, qui portent sur leurs épaules de cuir le poids des utopies ringardes et totalitaires de quelques architectes complaisants… Bien davantage qu’une frontière, un lieu. Le lieu des marges. De toutes les marges. »

Au final, un chapelet d’instantanés dont chaque perle est immanquablement et salutairement différente de celle qui lui emboîte le pas. Chacun semble s’être laissé aller à suivre son chemin singulier entre les broussailles ou la ligne pure des rails qui file dans le lointain, sans se soucier du voyage des autres. Le lecteur s’en trouve embarqué par des textes forts sans se sentir ballotté ou tiraillé. Certainement parce que, cette diversité assumée, compensée par l’unité des photographies qui jalonnent le livre comme de petits cailloux blancs, possède aussi son unité secrète : un certain air de nostalgie.

Très loin d’un formatage consensuel, d’un réalisme descriptif ou d’un écho consciencieux et respectueux du cliché photographique, chacun baguenaude à son rythme mais dans chacune des nouvelles flotte un certain parfum d’ailleurs, d’autrefois, un vent d’imaginaire, un goût d’errance tendre et cruelle comme l’enfance. Comme des ritournelles d’origines et d’époques différentes qui toutes nous parleraient, à leur façon, de gens simplement vivants.

On se retrouve au cœur même du genre de la nouvelle littéraire avec ces petites tranches de vies, nourries de retournements, de petits bonheurs, de rêves, de cassures, de sourires en coin et de violence tapie derrière les talus, avec la mémoire individuelle ou collective dans la transparence des pages ou des pas perdus au cœur d’un poème. Beaucoup de fantômes, il est vrai, dans les brumes du soleil levant ou chez les êtres qui hantent cette voie oubliée.

Trop d’auteurs pour s’appesantir sur le texte de l’un ou de l’autre, mais beaucoup mériteraient qu’on y fasse un arrêt particulier. Un collectif réussi, à concevoir comme une promenade le long des rails, un dimanche après-midi, en grappillant ses plaisirs au fil de l’inspiration ou du hasard.

Manque une bibliographie des auteurs pour le lecteur curieux qui aurait aimé prolonger sa découverte ou son coup de cœur personnel et, dans la table finale, après les titres des nouvelles, le nom des auteurs, pour ceux qui auraient envie de revenir compagnonner électivement.

Dominique Baillon-Lalande 



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Lectures






Arcadia Editions
Collection En Marge
224 pages - 15 €

Photographies :
Jean Distel

Textes :
Mouloud Akkouche
Manuel Alcantara
Alain André
Gilles Ascaride
Brigitte Aubonnet
José-Louis Bocquet
Claude Chanaud
Didier Daeninckx
Patrick Delahais
Régine Detambel
Frédéric Fajardie
Didier Goupil
Sylvie Gracia
Pascal Hérault
Sylvie Huguet
Hugo Marsan
Stingo Meyer
Francis Mizio
Arnaud de Montjoye
Cécile Oumhani
Juliette Peyret
Jean-Michel Platier
Chantal Portillo
Bernard Pouchèle
Jean-Bernard Pouy
Françoise Rachmuhl
Thierry Renard
Valère Staraselski
Dominique Sylvain