Claude CHANAUD

Gens de plume
et vin chaud à la cannelle



Les gens de plume ne sont pas uniquement encastrés dans les livres d’histoires littéraires avec leurs œuvres et leur biographie aseptisée ; ils sont également des êtres humains qui débordent de tendresse, de frivolités et d’humanité. C’est cela que nous démontre Claude Chanaud. Chacun des portraits d’auteur qu’il nous brosse pourrait être celui d’un membre de sa famille accroché au mur de son salon. Un de ces écrivains dont, jeune adolescent, il ôtait avec jubilation les ouvrages (comme il nous le raconte) de la bibliothèque (jamais verrouillée) de son père. De cela il s’en souviendra.

Il nous livre dans Gens de plume et vin chaud à la cannelle, l’amour qu’il porte à l’écriture, à la lecture, aux mots, et nous invite à découvrir ses auteurs de prédilection comme il nous inviterait, autour d’un vin, à la table d’un ami que nous ne connaissons pas encore ; et de parole en parole, de vin en vin nous repartons en emportant avec nous ce morceau de nouvelle amitié, cette envie d’ouvrir leurs livres pour être encore un peu auprès d’eux.

Marcel Aymé, Raymond Queneau, René Fallet, Antoine Blondin, Jacques Perret… À bien y regarder, ce n’est pas par hasard que Claude Chanaud a choisi ces auteurs-là, ils ont une encre commune (cette langue de velours sans doute), et sûrement, en commun également, leur goût pour les bricolages inventifs des mots. Il est rare de ressentir le plaisir de la lecture transparaître dans les articles ou les études sur les gens de plume que l’on peut lire ; ce plaisir chez Chanaud est visible comme la sueur sur une peau. Le paysage d’écriture qu’il nous montre et que nous traversons en le suivant d’auteur en auteur, nous laisse un goût de mots sur les lèvres comme si nous les avions murmurés de ligne en ligne. Le plaisir de citer aussi le taraude :
Un jour nous prendrons des trains qui partent… (Antoine Blondin)
Le monde aurait été doux débarrassé des curés et des anti-curés… (Marcel Aymé)
Je remercie dieu de ne pas m’avoir donné la force de le trouver intéressant… (Jean-Michel Ribes)
Ce plaisir est tel chez notre montreur d’ours* qu’il nous offre dans la dernière partie de son ouvrage son Espiègle lexicon des gens de plume. Ne cherchez pas dans ce lexique, nous prévient-il, la poésie à la lettre P… elle est forcément bien ailleurs. De Céline à Desproges, de Hugo à Sartre, c’est la littérature déballée d’une vieille malle oubliée qui est offerte à nos yeux émerveillés par tant de trouvailles, amusés par tant d’humour décapant, rafraîchis des eaux claires de l’intelligence.

Mais les poètes ne se taisent jamais… et il est bon de les entendre dans l’agitation des troquets et des tavernes, d’écouter leurs vers (verres) s’écrire et s’entrechoquer. Dans son chapitre Où buvaient-ils ? Chanaud se promène dans l’histoire de ces lieux où si souvent s’est écrite notre littérature et s’est refait notre monde. Un petit cours d’histoire bistrotière de nos Gens de plume de Villon à Boris Vian dans lequel il faut entrer comme on pousse une porte intime sur un lieu feutré.

Ce livre nous devrions le glisser dans notre poche lorsque nous partons pour parcourir la ville d’un trottoir à l’autre, d’une petite rue où résonnent encore le nom d’écrivains célèbres « Ici vécu etc. », à ces boulevards remplis d’odeurs et de vie ; et lorsque nous nous arrêterons dans un bistrot, nous le sortirons pour ouvrir ses pages près d’un verre de rouge sur le zinc. C’est ainsi qu’il faut le déguster, les mots mêlés à la vie et à la saveur d’un vin.

Les auteurs dont nous parle Chanaud ne sont pas morts, il ne les a pas ficelés de phrases académiques ni de typologies compliquées, ils sont vivants dans ses textes et pourraient remettre la tournée au comptoir sans que nous en soyons surpris.

David Nahmias 
(29/11/07)    

* Claude Chanaud tient, sur le site d’Encres Vagabondes, la rubrique théâtrale : Montreurs d’ours et autres gens de théâtre.



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Ed. Le bruit des autres
192 pages, 17 €


www.lebruit
desautres.com








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