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Mounira CHATTI


Sous les pas des mères



Sous les pas des mères est un roman qui nous plonge dans une famille vivant dans un petit village du Maghreb. La vie est rude, les clans s’affrontent, les histoires de famille s’entremêlent, les naissances et les morts rythment le temps. La sexualité est sous-jacente, présente et refoulée. La tradition veut continuer à s’affirmer face aux désirs d’indépendance. Une jeune femme est répudiée immédiatement car le soir de ses noces, elle n’a pas "saigné". Ce moment dramatique reste gravé dans la vie de la famille. Les secrets se transmettent à doses homéopathiques comme un goutte à goutte qui angoisse ou génère la révolte.

Mélia la narratrice dénonce la religion et son père, Bachir, ne la punit pas : « Je disais que notre société était bloquée par la religion et la tradition, nous obligeant à vivre dans la frustration sexuelle, la hichma, la honte, la séparation entre les hommes et les femmes.
Un jour, je suis allée un peu plus loin en annonçant joyeusement à mes camarades la mort de Dieu ; "la religion est l'opium du peuple" répétais-je en citant Marx. Pour ma part, j'étais soulagée de savoir que Dieu n'existait pas car, petite fille, j'étais effrayée par la résurrection, le jugement dernier, l'enfer. Je décidai de convaincre des filles voilées d'enlever le voile, de se libérer, quoi ! J'ai prêché pendant quelques semaines jusqu'au jour où je fus dénoncée par une élève voilée pendant le cours d'instruction religieuse. 
»

L’échec scolaire du frère le mène, lui, vers la religion. Face aux dérives de son fils, Bachir tente de le convaincre qu’il y a une différence entre fanatisme et religion. Ce père a une personnalité complexe, il bat ses enfants mais les pousse à faire des études même les filles. Il a une ouverture d’esprit et ose s’opposer aux coutumes tout en restant très attaché à la terre de ses ancêtres.

Mélia cherche sa voie. Elle sait qu’elle la trouvera par les études. Chaque personnage tente d’exister chacun à sa façon. Ce n’est pas toujours évident quand la mort et la vie se mêlent : « J'ai grandi avec la mort, mieux, la mort m'a engendrée. N'étions-nous pas les enfants d'un père dont l'état civil déclarait qu'il était mort, mais qui vivait masqué sous le prénom d'un mort ? Très tôt, je compris que la mort était confusément une absence et une présence, car ma mère invoquait continûment le souvenir de notre sœur aînée disparue. Ma conscience s'est alors développée autour des vivants et des morts, l'existence des uns étant nouée à celle des autres. »

La mère résiste comme elle peut : « Mon secret que je pensais explosif se dégonfla. Nejma l'absorba sans s'en émouvoir, ni s'en indigner. Je compris alors que ma mère était devenue inatteignable. Quelques décennies de malheur l'avaient peut-être contrainte à se fabriquer une armure qui, désormais, nous rendait étrangères l'une à l'autre... »

Mélia doit lutter sans cesse contre l’inégalité, l’injustice, la violence morale et physique faites aux femmes qui doivent sans cesse combattre pour obtenir leur indépendance et leur dignité.
Le pays souffre, les émeutes de la faim éclatent. Des changements s’opèrent mais ce n’est pas facile non plus.
Ce roman mêle l’histoire familiale et l’histoire d’un pays dans ses évolutions, ses drames, ses questionnements, ses doutes… et dans l’espoir d’une vie meilleure.

Brigitte Aubonnet 
(07/07/09)    



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Editions de l'Amandier

460 pages - 20 €