Didier DAENINCKX

Camarades de classe


Un titre intéressant, avec son double sens scolaire et politique, pour ce nouveau roman de Didier Daeninckx, auteur prolifique dont les quatre pages de bibliographie affichent plus de cinquante titres.
Ici, nous partageons quelques semaines de l’existence d’un couple qui approche la soixantaine et vit à Paris.

Dominique, la narratrice, travaille dans la pub, s’efforce d’arrêter de fumer à coups de chewing-gum et évoque, par-ci par-là, de façon évasive, un suivi médical dont nous ne saurons pas grand-chose avant les dernière pages.

François, son compagnon, connaît une situation professionnelle plus difficile. Le labo dont il est salarié risque de devoir retirer du marché un produit en raison d’effets secondaires dangereux et un plan social se profile à l’horizon qui pourrait lui faire rejoindre la longue cohorte des demandeurs d’emploi. Cette sombre perspective plombe sérieusement l’ambiance du couple.

Un soir, Dominique ouvre l’ordinateur de leur domicile où François, lors de sa dernière connection, a oublié de refermer sa boîte à lettres. Un message attire l’attention de Dominique : « Deviens le parrain de ma fille… ».

Il s’agit d’un ancien copain, du temps des années au collège Gabriel-Péri d’Aubervilliers. Il a retrouvé la trace de François grâce au site "camaradesde classe.com".
Une photo est attachée en pièce jointe au message. « Une douzaine de jeunes garçons, disposés en rang d'oignons, fixaient l'objectif en essayant d'accrocher un sourire à leurs traits. Les habits du dimanche dont on les avait affublés empesaient leurs silhouettes, contraignaient leurs mouvements comme s'il s'était agi de camisoles. La famille n'était pas présente, physiquement, mais elle laissait traîner ses chaînes. » Le cliché a été pris en 1964, lors d’une visite scolaire à l’usine Arthur Martin de Reims. Dominique ouvre une adresse provisoire destinée à recevoir toutes les communications en provenance du site et répond au message en signant du nom de François.

Le roman est alors rythmé par les courriers émanant des anciens élèves qui peu à peu rejoignent le site pour échanger leurs souvenirs de cette époque et des informations sur le devenir de tel collégien ou tel enseignant.
L’aspect politique du titre prend rapidement toute sa dimension car il s’agit d’une plongée dans la banlieue rouge après la fin de la guerre d’Algérie, quand « l’immense majorité des élèves partageaient les idées de leurs parents qui votaient à plus de soixante-dix pour cent pour le parti communiste. »
Certains sont mariés, d’autres ont disparu. Les parcours sont divers, heureux ou dramatiques. Les échanges sont émouvants, parfois violents, les points de vue sur cette période n’étant pas identiques pour tous. Et puis il y a un trublion, masqué derrière le pseudonyme d’Armhur Tarpin, qui jette de temps à autre un caillou dans la mare aux souvenirs.

En alternance avec les messages, on continue à voir François souffrir dans sa vie professionnelle et Dominique chercher à le réconforter tout en culpabilisant pour l’usurpation de son identité sur le site.
Un très beau livre, fort et riche, bien ancré dans le présent pour mieux se pencher sur le passé, qui se dévore avec avidité jusqu’à la dernière ligne.

Serge CABROL 
(24/07/08)    



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Lectures








Éditions Gallimard
(Février 2008)
168 pages - 15,90 €



Folio
(Octobre 2009)
196 pages - 6,60 €






Didier Daeninckx,
né à Paris en 1949,
est l'auteur de très nombreux livres pour la jeunesse et pour les adultes. Il a obtenu le Prix Medicis en 1999 pour
Mon grand appartement.


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