Mercedes DEAMBROSIS, La plieuse de parachutes



Un roman à la structure originale où les trois parties relatent une non-rencontre entre un père et un fils. Le père est mort, une partie de la famille attend et se parle pendant l’incinération au Père Lachaise, le fils n’arrive pas. C’est la première partie de ce roman. La deuxième ouvre sur l’inventaire des affaires ayant appartenu à cet homme. Ces deux parties n'expriment qu’absence et vide. Le fils n’est pas au rendez-vous en contre-pied de l’absence de son père quand celui-ci était encore vivant. La troisième partie, avec beaucoup d’émotion, nous montre cet homme dans sa maison de retraite, un lieu où la mort est déjà présente et où le fils n’arrivera pas à échanger avec son père.

Un roman, inventaire d’une vie, dans la froideur du Père Lachaise, dans la banalité des mots qui ensevelit l’essentiel de la vie, parfois complètement occulté par des problèmes d’emploi du temps. Tous ces personnages ne révèlent-ils pas les masques de chacun qui empêchent de profiter de la vie lorsqu’il en est encore temps et le vide de la mort révélé par un inventaire froid, désincarné et si dérisoire ? Que reste-t-il après la mort en dehors des cendres ? Les vivants enterrent-ils deux fois les morts avec qui ils n’ont pas vraiment partagé la vie ? La mort n’aide pas non plus les vivants à échanger.

Ce livre de Mercedes Deambrosis est une rupture avec ses précédents romans et recueils de nouvelles imprégnés d’une ironie grinçante. C’est une mise à distance, une déshumanisation engendrée par la mort. L’émotion existe du vivant du père dans la troisième partie mais la mort en filigrane gangrène l’amour qui aurait pu exister entre un père et son fils. Aimer n'est-il pas le fondement de toute vie ? Faut-il attendre l'inéluctable pour comprendre vraiment le sens du verbe aimer ?

« Enfin les sentiments, les émotions, les désirs, disparaissaient peu à peu, comme le reste. Ceux qui mouraient ou ceux qui restaient. C'était la même chose.
A dix-huit ans, on s'enthousiasmait à l'idée d'aimer, on s'indignait contre les injustices du monde. Puis le monde vous ouvrait les bras et, au lieu d'aimer, on couchait, car cet acte renforçait l'idée qu'on était vivants, encore bien vivants. Souvent on procréait et une période d'enchantement et d'angoisse s’ensuivait. Les ennuis, le travail, gagner de l'argent devenait primordial. On ne se battait plus contre les dictatures, sauf en de rares exceptions ou quand on avait la malchance de naître dans un pays marqué par l'histoire avec un grand H, avec un dictateur bien décidé à poser son empreinte sanguinolente sur le pauvre quotidien de ses concitoyens.
 »

Un roman étonnant dont le thème est superbement mis en valeur par la construction.

Brigitte Aubonnet 



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Editions Buchet Chastel
128 pages
12 €







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