Régine DETAMBEL

Notre-Dame des Sept Douleurs



Un pensionnat. Des sœurs et un mère supérieure. Une adolescente, Sibylle. Un adolescent, Paul. Un amour naissant.
Régine Detambel lève le voile sur cet univers clos où la jalousie, la méchanceté, l’empathie, l’amour, la passion, l’indifférence se côtoient.

Le portrait de Sibylle révèle la profondeur d’un être avec ses secrets et ses ambiguïtés : « Sauf Sibylle, naturellement, qui chiale, sans troubler le silence des manches lustrant les pages, qui chiale d'ailleurs pour la seule raison — insondable il est vrai — que l'adolescence crée sous ses pas la plénitude et le vide, l'exubérance et la dépression, et qu'elle, la pauvre gamine, a fini par perdre les pédales devant ce vertige de ]'âge qui la consume jusqu'à l'absurde. Une gosse en révolution éternelle, les poings serrés, parfois les yeux fous, la bouche tenue par un cri qui ne vient pas, quelque chose comme une grande peur désordonnée, doublée d'une douleur inflexible. Une angoisse de mort, ce genre de tumulte en soi qui ne blesse que soi, mais qui culpabilise les professeurs et les parents. Ce n'est pas pour rien qu'elle est pensionnaire. »

Elle souffre, elle aime, elle est détestée, elle est aimée et protégée. Elle est confrontée à des crises d’angoisse : « On dit que le rêve et la mer se ressemblent : les algues bleues que l'on tire de l'une et les rébus que l'on prend à l'autre perdent immédiatement leur beauté et se recalcifient. De même le souvenir de l'angoisse, juste après la crise, se ratatine. Et on fait comme si de rien n'était parce qu'en effet ce n'était rien. La crise se calme. Sibylle sourit. On rentre dans la classe. On se rassoit. Paul a noué les foulards autour de son cou. Les a apaisés. Mère Dominica se détourne pour écrire au tableau. Panthère contre panthère. Malgré la poussière de craie, le coton du voile est encore plus noir que le tableau. »

La jeune adolescente s’interroge sur son rapport à la vie qui est particulier : « Les autres élèves n’ont pas l’air troublées par la vie. » « Il n’est pas absurde de penser que Sibylle en viendra à tenter de se tuer, par peur de la mort. »

Le roman explore l’errance de cette toute jeune fille dans sa vie, dans ses premiers émois, dans ses rapports aux autres et à la réalité. Il donne à réfléchir sur ce qu’est l’amour, la perception d’une angoisse du point de vue de celle qui la vit comme Sibylle : « C’est une peur toute nue. La peur est toujours le vrai mal, et le seul. » ou du point de vue de celle qui l’observe comme la Mère supérieure : « Cessez donc de penser tout le temps. Nous n'avons que le présent à supporter. Ni le passé ni l'avenir ne peuvent nous accabler, puisque l'un n'existe plus et que l'autre n'existe pas encore. Le passé et l'avenir n'existent que lorsque vous y pensez. Vous vous fatiguez inutilement à fabriquer des regrets et des craintes. Espérez plutôt. »

C’est un roman qui ouvre sur l’immensité que représentent l’amour, la quête du sens à donner à sa vie, le rapport aux autres : « L’être qui t’aime et l’être qui veut te tuer crient la même chose : j’aurai ta peau. » « Pour rencontrer l’autre, il faut savoir déplacer son point de vue, adopter souplement celui d’autrui. »

Notre-Dame des Sept Douleurs, pétri de souffrances et d’espoirs, est un texte chargé d’émotions, d’interrogations et de réflexions sur la folie, l’adolescence, les sentiments qui nous habitent où l’écriture cisèle merveilleusement l’univers.

Brigitte Aubonnet 
(12/02/08)   



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Editions Gallimard
Coll. Haute Enfance
122 pages - 14,50 €

Photo©J.-C. Martinez

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www.detambel.com



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