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Jérôme FERRARI

Le sermon sur la chute de Rome


Les phrases très longues de Jérôme Ferrari nous conduisent à travers le temps et l'espace comme un serpentin qui s'enroule autour de ses personnages pris par l'évolution de leur monde.

Comment chacun s'accommode-t-il de l'univers qui l'entoure, qu'il s'est créé mais qui ne résistera pas au temps ? Tout évolue, se transforme, s'écroule. Peut-on continuer à vivre malgré tout ?

A travers la vie d'un homme Marcel Antonetti nous partons d'un point d'origine à un point de fin : "Comme témoignage des origines – comme témoignage de la fin, il y aurait donc cette photo, prise pendant l'été 1918, que Marcel Antonetti s'est obstiné à regarder en vain toute sa vie pour y déchiffrer l'énigme de l'absence."

Peu à peu, nous pénétrons dans son monde. Comme des fils entremêlés, les vies de ses proches se dévoilent à nous progressivement ainsi que son propre parcours. Il est parfois difficile de s'y retrouver mais tout s'éclaire au fil des pages.

Un café corse sera le lieu de nombreuses péripéties qui renvoient à des réflexions sur l'être, sur le sens qu'il donne à sa vie, sur la fragilité de ce qu'il construit, sur son rapport à l'absence. La philosophie est présente à travers Saint-Augustin dont le sermon sur la chute de Rome est repris et montre que les problématiques des humains traversent les siècles.

Jérôme Ferrari est sans concession dans certains de ses propos : "Marcel rentra au village pour enterrer son père, puis sa mère, et il ne les pleura pas parce que la mort avait toujours été leur vocation et il était presque heureux qu'ils aient enfin pu répondre à un appel qu'ils avaient dû feindre si longtemps de ne pas entendre."

La colonisation est aussi évoquée sous ses aspects les plus réalistes et sordides mais finalement l'empire colonial s'effondre aussi : "L'empire n'existait plus. Est-ce ainsi que meurent les empires, sans même qu'un frémissement se fasse entendre ?"
La violence des mondes s'exprime au fil du roman.

Les phrases de Jérôme Ferrari sont luxuriantes comme une végétation tropicale qui de racine en racine nous transporte au tréfonds des personnages qui ont tous du mal à exprimer leurs sentiments envers leurs proches alors que "l'égoïsme le plus acharné ne peut échapper au cycle immuable de la naissance et de la mort. "

Un très beau roman avec une approche étonnante sur le segment qu'est la vie, arrêté en ses deux extrémités, l'une marquant l'origine avec la naissance, l'autre marquant la fin avec la mort et au milieu chacun construit son monde comme il le peut.

Brigitte Aubonnet 
(24/09/12)    



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Editions Actes Sud

(Août 2012)
208 pages - 19 €

Prix Goncourt 2012



Jérôme Ferrari,
né à Paris en 1968, occupe maintenant un poste à Abou Dhabi (Émirats arabes unis) après avoir enseigné en Algérie puis en Corse. Le sermon sur la chute de Rome est son septième roman.



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