Pierre GARNIER

Comment se fait le poème



Non ! Pierre Garnier ne vient pas dans ce livre nous apporter une technique de fabrique. Nous sommes bien ici dans un recueil de poésie, de poésie spatiale.
Petit rappel des faits : Pierre Garnier crée dans les années 1950, avec sa compagne Ilse Garnier, le mouvement spatialisme. La poésie spatiale pose la question des caractères typographiques ou de l’écriture manuscrite dans l’espace de la page. C’est une poésie qui travaille les mots dans leur « forme-sens », dans leur sonorité (poésie sonore) d’où les nombreux contacts entretenus entre Pierre Garnier et les poètes Henri Chopin et Bernard Heidsieck, et bien d’autres.
Comme le rappelait Pierre Garnier : nul ne vient au monde en sachant parler, /on greffe la langue […] dans son recueil de poèmes : 1916-La Bataille de la Somme (La Vague Verte, collection Voyelles) et il nous dit par cela les dangers de la langue qui « nous entraînerait loin de notre vérité et de la connaissance (ou reconnaissance) du monde » (Martial Lengellé, qui fait la préface).

Dans ce recueil, Pierre Garnier nous offre comme un cheminement à travers sa poésie spatiale et dans son rapport texte et image du poème. Il présente par sujet (la tortue, les oiseaux, des images) où l’on peut lire le cheminement d’écriture du poète sur chacun des sujets. L’exemple présenté fait partie de la série appelée : La tortue.

J’aimerai vous citer un extrait de la préface très pointue de Martial Lengellé : « Pierre Garnier réactualise ici le mythe fondateur de son œuvre : une langue primordiale, originelle, presque intouchée. L’écriture du poème, dans la langue du poème, semble exclure tout ego, toute intervention, toute médiation, trop visibles. L’auteur transparaît dans le tracé d’une écriture manuscrite, comme si la main, davantage que la machine à écrire ou la typographie, était à même de recueillir le mouvement lyrique d’un moi universel, cet immense je courbe, à l’image de l’horizon.
C’est la lecture de Novalis, puis la naissance (et l’expérience) du spatialisme, dans les années 60, qui ont conduit à ce poème idéal qui ne désigne rien d’autre que lui-même. L’espace graphique devient l’agent structurel des nouveaux textes qui tentent désormais de s’affranchir de la syntaxe. Il s’agit non seulement de se libérer de la phrase, mais encore du système linguistique, de ses codes, de ses normes – et de l’idéologie qu’il véhicule nécessairement. »

Ce qu’il me reste à vous dire sur ce recueil et cette écriture (car même s’il se croise texte et dessin, dans un poème, il s’agit bien d’écriture), c’est le plaisir que l’on retrouve de l’enfance : celui de regarder d’un œil ouvert à tout et de se laisser guider par l’imaginaire qui voyage dans les figures rencontrées. Il y a un lien avec la poésie verticale de Pierre Garnier, c’est que dans les deux écritures, il nous invite à regarder autrement. Ce qui peut dérouter de prime abord, se révèle d’une richesse extraordinaire pour l’esprit.

Gilbert Desmée 
(27/08/08)    



Retour
sommaire
Poésie









Editions Corps Puce
Collection
Le Poémier

108 pages - 12 €


Editions Corps Puce
27 rue d’Antibes
80090 Amiens