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Marco, 14 ans est tranquillement en train de faire son devoir de géométrie
quand deux policiers viennent lui annoncer sans précaution le décès
de sa mère. L'adolescent n'arrive pas à y croire, avec raison, puisque
celle-ci ouvre la porte de chez eux quelques minutes plus tard. L'explication
est simple : son père a contracté un mariage blanc avec une jeune
Roumaine sans papiers, il y a dix ans, contre 1500 euros et c'est cette "épouse
administrative" qu'ils ont retrouvée morte.
Une fausse union vécue comme sans importance par le père, que
personne n'a songé à révéler aux deux enfants. Le
père de Marco n'a jamais revu celle qui a ainsi ajouté un nom
de famille français à son prénom et tous semblent souhaiter
classer et oublier l'affaire au plus vite. La grande sur, tout à
sa découverte de l'amour avec son apprenti boxeur, s'en moque, la mère
s'arrête aux aspects techniques et financiers de la transaction, le père
en toute bonne conscience se justifie et affirme son détachement total
à ce qui vient d'arriver. "Ton père a seulement vu cette
fille à la mairie le jour où ils ont fait ce mariage, ça
n'a pas duré une heure. Tu crois peut-être que ça nous a
marqués et que ça nous a empêchés de dormir ? Absolument
pas. On a aussitôt oublié son existence et notre vie a continué
exactement comme avant. J'ai encaissé ça sans broncher".
Seule l'obligation de reconnaître le corps et d'assumer les frais de l'enterrement
le font bougonner. Marco est le seul à être troublé, se poser des questions
sur cette Anka Petrescu dont on lui a caché l'existence. Le dernier conseil de classe des 3e approche et le gamin en rupture scolaire
doit choisir son orientation. Le CAP ou le redoublement semblent la seule alternative
offerte à celui qui ne rêve que d'être acteur, mais il a
la tête ailleurs. Peut-être est-ce le beau visage entrevu sur le
permis de séjour ou les deux petites culottes qu'il a volées dans
le sac trouvé aux cotés de la morte et ramené par son père
qui le troublent. Marco pense sans cesse à Anka, voudrait connaître
celle qui porte son nom de famille et qu'on ne lui a jamais présentée,
combler les vides et comprendre ce qui s'est passé pendant ces dix années. Il va à la recherche de ceux qui ont pu la connaître, va rôder
dans l'immeuble qu'elle habitait, récupère auprès du propriétaire
hargneux qui a expulsé la jeune femme malade pour retard de paiement
quelques effets personnels, converse par interphone interposé avec l'épouse
du notaire qui l'employait pour le ménage... "Elle dort dans
le hall d'un petit immeuble dont la porte ferme mal. (
) elle s'y rend
le plus tard possible. Pour ne pas croiser les locataires. Certains l'ont déjà
surprise en pleine nuit. Ils se sont montrés plutôt aimables. Tant
que vous laissez propre... Ils ont dit. (
) son sac de couchage et de vieux
journaux qui lui servent de matelas et un tesson de bouteille de bière
pour se défendre au cas où. Elle s'allonge dans le renfoncement
sous la première montée d'escaliers. C'est inconfortable. Elle
glisse son linge sale sous sa tête en guise d'oreiller. Le sol carrelé
est une vraie torture. Elle dort mal. Même quand elle est épuisée."
Avec Marseille en toile de fond, Guillaume Guéraud raconte cette histoire
du point de vue de Marco, à la première personne, au présent
et de façon brute, mais la voix d'Anka (son journal ?) vient s'intercaler
avec de courts passages en italique écrits à la troisième
personne pour dire, au passé, le parcours de cette immigrée des
pays de l'Est. Une narration à deux voix donc, un puzzle avec des bouts
éparpillés de la vie de la morte qui s'entrechoquent avec les
pensées de l'adolescent sur fond commun d'amertume et de colère.
Au cur de cette réalité ordinaire et sordide que le jeune
garçon découvre au fil de ses recherches, à travers son
regard et ses émotions, la jeune Roumaine rejetée à la
rue et devenue socialement invisible retrouve, ponctuellement, une existence,
tragique et forte. Les deux protagonistes sonnent justes, le rythme est sans faille, la langue
elle-même est directe et brutale, sans concession, forgée à
l'aune de la révolte, de la dénonciation du mensonge et de la
violence d'une société en souffrance et en ruine. Dominique Baillon-Lalande |
sommaire Jeunesse Editions du Rouergue Collection doAdo 112 pages – 9,50 € Vous pouvez lire sur notre site des articles concernant d'autres livres de Guillaume Guéraud : Sans la télé Déroute sauvage La Brigade de l'Œil Je mourrai pas gibier Manga |
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