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Le roman commence par une discussion. Celle d'un couple marié, Ayané
et Yoshitaka Mashiba, aisé, habitant un quartier chic de Tokyo. On sent
que cette conversation est grave. Le mari annonce à son épouse qu'il
va la quitter car elle n'a pas respecté le contrat qui les liait : Pour
toi c'est définitif ? Autrement dit, tu n'as que faire d'une femme qui
ne te donne pas d'enfants. Voilà pourquoi tu vas me quitter pour me remplacer
par une autre qui pourra en avoir ? C'est bien ça ? A la fin de ce premier chapitre, nous sommes inquiets sur le sort du mari,
car nous connaissons la pensée de sa femme : "Je t'aime du plus
profond de moi-même. Ce que tu viens de me dire m'a transpercé
le cur. Maintenant, je veux que toi aussi, tu meures." Dans le chapitre suivant les Mashiba reçoivent, à dîner,
comme prévu, un couple d'amis ainsi qu'une jeune femme, Hiromi Wakayama.
Nous apprenons que Mme Mashiba dirige une école de patchwork, art où
elle a acquis une réputation honorable et où cette jeune femme
est devenue son assistante après avoir été son élève.
L'auteur nous décrit la soirée, les conversations, les allées
et venues des uns et des autres dans les pièces de cette demeure cossue.
Tout ceci simplement, élégamment, serait-ce pour nous donner quelques
indications peut-être dissimulées ? La soirée, agréable,
se déroule selon les rites de bienséance. A la fin, Mme Mashiba
annonce qu'elle va passer quelques jours chez ses parents, son père étant
un peu souffrant. Le lendemain matin, avant de partir Ayané Mashiba se présente
à l'atelier pour remettre les clefs de sa maison à Hiromi. Celle-ci
est étonnée, mais accepte cette responsabilité (pour arroser
les fleurs ?) Hiromi a rendez-vous avec Yoshitaka. Profitant de l'absence de sa femme, ce
dernier l'a invitée. "Il lui avait demandé de l'appeler
quand elle aurait terminé. Il voulait dîner avec elle. Hiromi n'avait
aucune raison de décliner son invitation. Il était dix-neuf heures
passées lorsque son dernier cours s'acheva. [
] mais elle n'arriva
pas à le joindre. [
] Elle se décida à sortir de son
sac la clef que lui avait confié Ayané. [
] Yoshitaka gisait
sur le sol, une tasse à café renversée à côté
de lui." Ainsi va commencer une enquête particulièrement complexe ! En
effet l'inspecteur Kusanagi et son équipe sont devant une mort pour le
moins suspecte. On apprend assez rapidement que le café a été
empoisonné à l'arsenic, et après avoir écarté
la thèse du suicide il s'avère que la seule personne qui aurait
pu vouloir la mort de M. Mashiba était sa femme. Or celle-ci était
chez ses parents au moment de la mort de son mari. L'épouse revenue est donc longuement interrogée par l'inspecteur
Kusanagi. Sa présence chez ses parents au moment de l'assassinat très
scrupuleusement vérifiée. Ce qui n'empêche pas sa co-équipière
Kaoru Utsumi, de trouver que l'inspecteur semble bien trop sensible au charme
de cette suspecte, et que toutes ses investigations risquent d'être faussées
ou en tout cas ne pas présenter toute l'objectivité requise !
Car, contrairement à son collègue, elle est persuadée de
la culpabilité d'Ayané Mashiba. Tandis que Kusanagi, lui, fouille
dans le passé de la victime, tout en continuant les interrogatoires,
Kaoru Utsumi sollicite, de sa propre initiative, l'aide d'un physicien, Yukawa,
connu de l'équipe et qui a eu l'occasion de mettre ses compétences
et surtout son esprit curieux au service de celle-ci. Nous allons nous demander tout au long de ces pages denses et précises
comment ce crime a pu être commis. Et c'est tout le talent de l'auteur
que de nous amener très progressivement, avec des allers et retours à
cette éventualité de crime parfait qui aurait été
conçu par une femme remarquablement intelligente et talentueuse. Cependant
tout au long de cette démonstration, chaque fois qu'une hypothèse
est amenée, celle-ci ne résiste pas à l'analyse scientifique.
Malgré l'astuce et l'opiniâtreté du physicien ! Il va falloir
jouer "serré" et comprendre beaucoup d'éléments
mis ça et là pour nous éclairer, pour que cette habile
reconstitution des faits, parsemée d'inconnues, puisse aboutir ! Toutes ces précisons techniques, complexes et minutieuses ne parviennent
pas à nous lasser, bien au contraire, de même que les recherches
sur le passé des témoins et protagonistes, savamment articulées
autour des démarches et investigations scientifiques. Tout au long de
ces 256 pages, nous restons accrochés, curieux, attendant la révélation
et le fin mot de cette histoire. Le tandem de policiers qui se débat entre professionnalisme et intuitions
plus ou moins pertinentes, est savoureux. La psychologie des personnages toute
en finesse, associée à la complexité d'une intrigue, est
ici un atout supplémentaire. Et une écriture claire, élégante, précise et fine
: du grand art ! Anne-Marie Boisson |
Sommaire Noir & polar ![]() Actes Sud (Mai 2012) 336 pages - 21,50 € ![]() Babel (Novembre 2013) 336 pages - 9,20 € Traduit du japonais par Sophie REFLE
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