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Ariel KENIG


Le miracle



Estelle Grenier, une jeune femme au profil énigmatique, lyonnaise, reprend, un jour, contact, avec le narrateur, un de ses anciens camarades de lycée, pour lui proposer des photos pour le moins étonnantes : celles de Pierre Sarkozy, le fils du Président ! qui durant ses vacances avec des amis, au Brésil, a échappé miraculeusement à une coulée de boue. Estelle souhaiterait même que ces photos fussent publiées par son ami, tant elles pourraient jeter une bombe dans l'univers des médias et de la politique : Pouce levé, Pierre Sarkozy posait à l'avant d'une Mercedes, dans un hélicoptère, un jacuzzi, à l'arrière d'un yacht, sur un jet-ski. Ses amis et lui ne faisaient que poser. Les corps déhanchés, joues rentrées, comme ces copines de Pierre typées brésiliennes, en robes de petites filles riches, séchoir à la main, alors qu'elles s'apprêtaient à sortir. Il y en avait, du cheveu au vent. Les jeunes gens cherchaient la pose la plus glamour, celle qui traduirait au mieux l'idée qu'ils se faisaient d'une vie de rêve. Ils avaient mon âge et je me sentais loin d'eux. Non seulement ces images étaient un pur produit de l'époque, par les loisirs qu'elles montraient (la modernité du yacht ou de l'hélico par exemple), mais le groupe n'était pas innocent. On ne dénonçait plus les comportements de classe. Une partie de moi ne comprenait pas que ces photos demeurent confidentielles. Jusque dans la vie privée, Pierre Sarkozy et ses amis parodiaient sans en rire les images attendues de leur domination sociale. Je n'espérais pas tant vendre ces photos pour qu'on en parle, que pour les faire parler.

Le narrateur, journaliste, ennemi personnel juré du Président de la République pour des raisons qui ne seront pas exposées clairement, intrigué par ces photos, s'interroge : doit-on publier ces photos ? À quelles fins les utiliser ? Quel prix pourrait-on tirer de ces photos ? Pourquoi Estelle l'a-t-elle choisi pour publier ces photos et pour partager les bénéfices de cette vente ? Qui voudrait acheter ces clichés ? Le lecteur suivra donc les pérégrinations de ce jeune homme dans les salles de rédaction de Elle, Voici, Entrevues…

Nous parcourrons donc l'univers des médias et du journalisme et ce petit roman, aussi léger et drôle puisse-t-il paraître, nous initiera à ces milieux. Beaucoup verront ces photos, seront fascinés et intéressés, mais qui acceptera finalement de les publier ? Dans quel monde, que l'on pourrait croire rompu aux médias et aux écrans en tous genres, vivons-nous donc ? Ce que j'observais de la vie contemporaine ne s'organisait pas, sinon par le prisme du petit miracle de Pierre Sarkozy que mes recoupements avaient démenti ; dès lors qu'un homme politique se cachait derrière une figure de rhétorique, qu'une nouvelle application iPhone faisait son apparition ou qu'un débat circulait dans la médiasphère, expliquais-je, j'y voyais la déclinaison lente de cette anecdote brésilienne qui, en marge de mon existence et de ses centres d'intérêt, me servait de repère.

Les péripéties flirtent avec l'actualité de façon troublante et peu innocente… Ce récit est donc aussi (et surtout) une fable, piquante, sur notre société, aussi frileuse de prendre position que soucieuse du paraître. C'est aussi un roman d'apprentissage et d'initiation au monde contemporain.

Sylvie Legendre-Torcolacci 
(07/04/12)    



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Editions de l'Olivier

160 pages - 16 €








Ariel Kenig,
né en 1983, auteur de trois romans parus chez Denoël (Camping Atlantic 2005, La Pause 2006 et Quitter la France 2007), écrit aussi pour la jeunesse, le théâtre et le cinéma. En 2008,
il a coécrit New-wave (Flammarion) avec le réalisateur Gaël Morel.