Léo LAMARCHE, Mal de mère


La maison familiale. Huis clos de passions exacerbées, de corps impotents vieillissants, des reproches que l'on fait quand, au déclin de sa vie, on n'a pas su jouir de sa clarté. Huis comme une porte claquée sur ce qui n'a pas été dit, ce qui voudrait se dire mais ne sait que se taire. […] et partout, sur les murs et les meubles, des photos d'Ariane qui me fixaient de leur regard aveugle. Mon père picolait, ma mère s'accrochait des lambeaux de cervelle aux épines noires du deuil. Elle qui avait le don de tout transformer en ruines, cultivant le décombre. Comme on a la main verte, elle avait la main noire et je tremblais d'effroi chaque fois qu'elle m'approchait.

Agathe, enfant non désirée venue sur le tard, a toujours été laissée pour compte. Mais la mort brutale d'Ariane, la grande sœur, la fille adorée, déclenchera contre l'enfant une déferlante de souffrance et de haine que plus personne ne semble pouvoir contrôler. La mère enfermée dans son rôle de bourreau bascule dans la violence et la folie, le père fuit lâchement dans l'alcool et Agathe tente de se faire oublier et tremble. Elle s'est murée dans un lieu inaccessible à la parole, s'inflige des blessures et joue avec le suicide pour se sentir exister.

Adulte, Agathe a une intelligence un peu au dessus de la moyenne, révélera l'expertise du psychiatre du tribunal. Mais après ça se gâte. Clivage…élaborations délirantes…Saint Ptôme, Saint Drome, Saint Posium, priez pour nous, envoyez un miracle pour comprendre. Un cas complexe, très complexe traduira avec détachement l'accusée.

Entre normalité et marge, la frontière est ténue et une trop grande souffrance jamais exprimée peut se muer en monstruosité. Cette enfance massacrée, destructrice ne pourra alors trouver comme issue que la violence et le sang.

Un récit décousu, pulsionnel, terrible, à l'allure de coup de poing pour une intrigue épurée. Une fin en suspens qui laisse le lecteur décider au procès final qui est la victime et qui le bourreau. Un drame de la vie à l'état brut raconté sans complaisance ou voyeurisme mais avec beaucoup de sensibilité. Une écriture sobre et juste, tour à tour classique ou brutale, qui fait mouche.

Après son excellent recueil de nouvelles (Leçon de ténèbres, Noirs délires, 2004), Léo Lamarche, agrégée de lettres et journaliste, nous offre, dans une veine encore plus noire, un premier roman original et fort.

Dominique Baillon-Lalande 



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Editions Editinter
100 pages
13 €