Longue nouvelle ? Court roman ? Monographie d’un psychologue clinicien ? Qu’importe ! L’essentiel est que ce texte de Serge Launay se révèle tout à fait passionnant.

Un éditeur américain, M. Delaporte, reçoit par la poste un manuscrit qui l’enthousiasme. Il en achète aussitôt les droits à prix d’or et la Metro Goldwynn Mayer offre une véritable fortune pour l’adaptation de L’homme qui faisait chanter les rivières. Un seul souci : le manuscrit de cent cinquante feuillets est resté inachevé. Delaporte ne doute pas que l’auteur, Fabien Deschamps, puisse fournir rapidement la suite mais les jours passent et rien ne vient…

Au bout d’un an, l’éditeur reçoit un fax l’informant que Fabien Deschamps est hospitalisé dans un établissement psychiatrique. Delaporte, dont le père avait été parachuté en juin 44 dans le Marais poitevin, profite de l’occasion pour venir visiter la région et en savoir plus sur son mystérieux auteur.

A l’asile, il est accueilli par le docteur Morin qui lui présente son patient en piteux état. Il a toutefois en sa possession un texte de Fabien Deschamps qui n’est malheureusement pas la suite du roman inachevé. « C’est une sorte de journal dont il entreprit l’écriture dans une période de complète rémission, du moins apparente, peu de temps avant sa seconde et actuelle hospitalisation. On y trouve inscrite sa lente et irréversible descente aux enfers. »

Confortablement installé dans le bureau du médecin, l’éditeur se lance (et nous aussi par la même occasion) dans la lecture de ce journal tenu entre le 7 et le 31 octobre. Nous y découvrons comment Fabien Deschamps a pu écrire le début de son roman et comment, ensuite, l’arrivée de l’inattendue manne financière accompagnée d’une insupportable pression familiale et éditoriale ont achevé de le déstabiliser. Le texte est fascinant : la descente aux enfers vue de l’intérieur, racontée au jour le jour, avec une réflexion très pointue sur les mécanismes de la création…

Un livre fort qui se dévore d’une traite et donne envie d’aller jeter un oeil sur les autres ouvrages de Serge Launay, auteur d’un roman, Les chiens de Ghriss (Prix Octave Mirbeau 2004), et d’un recueil de nouvelles intitulé Solitudes parus chez le même éditeur.

Serge Cabrol