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Richard MILLET

L'enfer du roman
Réflexions sur la postlittérature



Richard Millet, auteur ayant sa Corrèze natale chevillée au corps, partage avec les moralistes du Grand-Siècle le goût pour l'écriture fragmentaire et une vision pessimiste de la nature humaine, comme en atteste ce livre composé de 555 fragments. Bien plus, Richard Millet se fait une haute idée de la littérature qu'il oppose au roman contemporain, coupable à ses yeux de lorgner vers le roman américain et de s'être détourné des exigences du style. Le roman lui-même a absorbé tous les autres genres – le théâtre et la poésie en particulier – et cette hégémonie, loin d'être banale, dépasse l'objet même de la littérature. Richard Millet s'en explique dans sa préface : "Pour tenter une idée simple de mon propos, je dirai que ce livre tente une définition du cauchemar contemporain nommé roman et qu'on appellera ici tantôt tel, tantôt roman international, tantôt postlittérature." En clair, ce que nous appelons roman aujourd'hui serait l'autre nom de la globalisation, celle-ci ayant envahi toutes les sphères de l'activité humaine et frappant de mépris – pour ne pas dire d'hérésie – tout ce qui s'efforce de la contenir, à commencer justement par la littérature, expression de la singularité, de l'écart et de la marge.

En soi, Richard Millet n'en veut pas à ceux qui écrivent des romans (et il en fait partie), mais à ceux qui, en son nom, le falsifie pour en faire un instrument de promotion et de domination sociale, ce qu'il appelle l'Empire du Bien (expression empruntée à feu Philippe Muray), avatar moralisant de la société du spectacle et de l'anglicisation de la langue. La langue justement, il en est souvent question dans son ouvrage, mais aussi la terre, la province, les paysages, toutes choses qui semblent avoir disparu du roman français au profit d'un langage appauvri qui n'atteint plus à l'universalité.

Certes, il y a pas mal d'outrances dans ce livre : ainsi, la condamnation sans appel de la littérature anglo-saxonne qui va de pair avec un anti-américanisme primaire assez convenu, ou encore la vision d'une langue – la nôtre – assiégée par la novlangue et l'inculture, mais ces outrances se trouvent contrebalancées par de brillants propos sur Proust, Rilke, Claude Simon ou Julien Gracq. En filigrane se dessine le portrait d'un lecteur exigeant qui attend encore beaucoup de la littérature, la vraie, celle qui ne rentrera jamais dans les cases et qui, loin de la société du spectacle, œuvre dans le secret.

Pascal Hérault 
(08/08/11)    

Pour visiter le blog de Pascal Hérault : http://pascalherault.blogspot.com



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Gallimard

288 pages - 18,90 €






Richard Millet,
né en 1953 en Corrèze, écrivain et éditeur, essayiste polémiste, est l'auteur d'une cinquantaine de livres.