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Hubert Mingarelli, Le voyage d'Eladio


Un roman de Hubert Mingarelli comme on les aime tant, de la veine de Quatre soldats ou de La dernière neige.

Ce récit est encore celui de la pérégrination d’un homme seul avec lui-même dans une atmosphère intemporelle et fascinante, avec comme personnage secondaire un décor naturel superbement décrit qui prend sens.

Cet homme c’est Eladio, serviteur d’Alvaro Cruz, haut fonctionnaire d’Amérique centrale, et le grand voyage partira de presque rien. Une broutille. Une simple paire de bottes que Vallejo, chef des guérilleros en perdition, trouvera dans la maison du maître et enfilera pour remplacer ses vieilles chaussures trouées qui lui torturent les pieds. Chargé de la garde de la propriété le serviteur n’aura dès lors de répit avant de récupérer l’objet du larcin. C’est pour lui une question de confiance et d’honneur et les coups de crosse que lui assèneront les fuyards n’y changeront rien. Une fois repris ses esprits, il partira donc à la poursuite des soldats. Mais Eladio se traîne, il n’est plus très jeune et les montagnes sont immenses, dangereuses aussi à cette période de guerre civile où on ne sait plus très bien de quel côté le danger est le plus grand pour un voyageur isolé et désarmé.

Lorsqu’il s’assit au pied du buisson d’acacia, les choses se présentèrent toutes en même temps, et toutes enveloppées dans un morne désespoir : la soif, la fatigue, la douleur à son pied, et puis l’appréhension du froid qui guettait et ne viendrait qu’un peu plus tard, lorsque ses muscles se seraient relâchés, et après que la sueur aurait pris la température de la nuit. Avant d’affronter tout cela, il se coucha sur le côté, la tête posée sur les chaussures de Vallejo, et ferme les yeux. Il n’espérait pas s’endormir, il voulait simplement attendre un peu avant de se mettre à souffrir.

Tout à sa longue marche, il pense à ce jeune guérillero natif de sa région qui lui a proposé de rejoindre leur groupe, à son pays qui se déchire, à son maître. Il revoit aussi par bribes les événements clés de sa vie, l’enfance aussi. Un voyage qui ressemblerait à une quête non définie mais obstinée.

Le personnage reste énigmatique mais la magie poétique du récit fonctionne magnifiquement. Le lecteur s’y attache, l’accompagne, se laisse prendre par le rythme de la marche. On finit absorbé par la montagne et séduit une fois de plus par cette écriture apparemment si simple, si joliment imagée et diablement efficace qui est la marque de cet auteur inclassable. Un pur bonheur.

Dominique Baillon-Lalande 



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Editions du Seuil
16 €





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