Cette fois encore, en quatrième de couverture, une seule phrase : La
colocataire est la femme idéale. Cette formule, associée au
titre, annonce bien le thème du roman, les deux personnages principaux
étant Barbe bleue, le propriétaire, et Saturnine, la colocataire.
Barbe bleue se nomme ici don Elemirio Nibal y Milcar. Il a quarante-quatre
ans et jouit d'une fortune colossale. Dans son vaste appartement, une pièce
est strictement interdite, la chambre noire où il développe ses
photos.
Quand s'ouvre le roman, Saturnine Puissant, 25 ans, belge, en stage à
L'École du Louvre attend sagement son tour dans la salle d'attente parmi
une quinzaine de nouvelles candidates à la colocation. Sa voisine lui
dit :
- C'est vous qui l'aurez.
- Pardon ?
- Vous êtes la plus jeune et la plus jolie. Vous aurez l'appartement.
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Nous ne sommes pas les premières à nous présenter. Huit
femmes ont déjà obtenu cette colocation. Toutes ont disparu.
- Elles n'étaient pas contentes de la chambre, peut-être.
- Vous n'avez pas compris. Elles n'ont plus eu la possibilité de s'exprimer
là-dessus : on n'a
plus jamais entendu parler d'elles.
- Mortes ?
- Non. La mort n'est pas une disparition.
Et c'est tout le mystère du roman. Que sont devenues ces huit femmes
?
Comme l'avait prévu sa voisine, Saturnine est choisie sans hésitation
et elle découvre avec stupéfaction le luxe de l'appartement et
de la chambre qui lui est réservée avec salle de bain attenante.
Pour les repas, la cuisine est vaste et elle dispose d'un réfrigérateur
à sa seule intention.
- Je n'aime pas savoir ce que mangent les autres, dit-il.
- Vous cuisinez vous-même ? s'étonna la jeune femme.
- Bien sûr. La cuisine est un art et un pouvoir : il est hors de question
que je me soumette à celui de qui que ce soit. Si vous voulez partager
l'un de mes repas, ce sera avec plaisir. L'inverse n'est pas vrai.
L'art, le pouvoir, le plaisir, plusieurs thèmes sont déjà
présents dès leur premier échange.
Ils vont avoir souvent l'occasion de partager les dîners préparés
par don Elemirio et le roman est un jeu du chat et de la souris entre l'homme
qui se dit très vite amoureux de sa colocataire et la jeune femme qui
se demande s'il est malade mental, assassin ou affabulateur.
Leurs conversations sont brillantes, le ton est érudit et le champagne
coule à flots, sauf le rosé bien entendu. L'inventeur du champagne
rosé a réussi le contraire de la quête des alchimistes :
il a transformé l'or en grenadine.
D'or, il est souvent question, le métal, sa couleur, sa valeur, son
pouvoir
Même dans la relation à la justice divine.
- Je n'ai de comptes à rendre qu'à Dieu.
- C'est commode !
- Non, ce ne l'est pas.
- Dieu qui, par le truchement de votre confesseur, vous absout pour de l'argent
!
- Non, pour de l'or.
- Arrêtez, je vous en prie.
- Cela n'a rien à voir. L'argent est chose misérable et je ne
le respecte pas. L'or est sacré.
Qui est ce mystérieux Espagnol, nous l'apprenons au fil de ses confidences
à Saturnine et c'est un bien étrange personnage, haut en couleur.
Saturnine est solide et cartésienne, intelligente et têtue, courageuse
et audacieuse. Leur joute est un subtil et agréable régal
Serge Cabrol
(03/09/12)