Dominique Pagnier nous fait partager le dernier mois de la vie de Joseph Haydn
dans un contexte mouvementé puisque nous sommes à Vienne en 1809,
au moment où les troupes napoléoniennes viennent conquérir
la ville. Le canon tonne aux alentours, les obus pleuvent et l'un d'eux vient
même casser une branche du cerisier, dans le jardin du compositeur.
Joseph Haydn, né en 1832, a donc 77 ans et il est à la fois malade
et fatigué. Il vit avec quatre serviteurs et le médecin vient le
voir tous les jours.
Incapable de quitter son fauteuil, il revoit les diverses étapes de sa
vie, son enfance, les postes qu'il a occupés, ses voyages, ses rencontres
et bien sûr ses compositions.
Fils d'un charron, il a très tôt rejoint une chorale grâce
à un cousin de son père qui était régent de chur.
Il a pu intégrer la manécanterie de la cathédrale Saint-Etienne,
chanter devant l'impératrice Marie-Thérèse et même
ramasser au passage une gifle de l'impératrice parce qu'il était
un gamin plutôt turbulent.
Viré de la manécanterie quand sa voix a mué, il n'a jamais
raté les occasions qui se présentaient à lui pour continuer
à chanter, jouer ou composer de la musique avec les churs, les
instruments et les orchestres qu'il rencontrait. Si on lui confiait les timbales,
pas de souci, il acceptait et ses compositions se sont nourries de toutes ses
expériences.
Il a passé une partie importante de sa vie, de 1766 à 1790, comme
kappelmeister pour le prince Nicolas, dans le château d'Esterháza.
En arrivant sur place, après avoir traversé un lac gelé
en traîneau avec femme et bagage, il est surpris par l'aspect grandiose
du château en construction, comme une île déserte d'opéra,
au milieu des marais.
Ainsi commença en ce 26 janvier ce qui, durant un quart de siècle,
serait les travaux et les jours d'Esterháza : composer cassations, nocturnes,
opéras, messes, symphonies, quatuors, pour célébrer des
noces, un anniversaire ou le débarquement sur l'île enchantée
d'hôtes illustres, empereurs, impératrices, princes, ambassadeurs.
En vingt-quatre ans passés à Esterháza, parfois avec le
sentiment d'être un naufragé prisonnier d'une île déserte,
mais souvent dans le bonheur d'avoir à sa disposition un ensemble de
premier ordre, Haydn eut le temps de répondre à ce rêve
d'une île.
A la mort du Prince, tout le monde quitte le château et Haydn en profite
pour voyager. Bruxelles, Calais et enfin Londres où il reçoit
un accueil triomphal, où il rencontre Herschell, fabricant de télescopes
et miroirs, et Lady Hamilton, une femme étrange et séduisante,
qu'il reverra plus tard en compagnie de l'amiral Nelson. Haydn offrira une de
ses plumes à Nelson qui lui donnera sa montre.
Côté vie amoureuse, ce n'est pas grandiose.
Son mariage n'a pas été une réussite. Le perruquier Keller
a vite repéré en ce jeune musicien un mari possible pour l'une
de ses deux filles. Joseph Haydn s'éprit donc de l'aînée,
mais comme les parents la destinaient aux ordres à la suite d'un vu
inepte, il dut se rabattre sur la cadette, bien moins séduisante. Pris
dans les rets ourdis par la famille, il se retrouva marié avec ce qu'il
découvrit à l'usage comme une mégère affligée
de vices rédhibitoires : bigote, dépensière, bornée,
terrorisante, geignarde comme la Xanthippe de Socrate, acariâtre et surtout
parfaitement sourde à, la musique. Le mariage a duré 39 ans,
jusqu'au décès de Maria Anna en 1799.
Une autre Marianne, la femme du médecin du prince, a beaucoup compté
dans le cur du compositeur mais pour une relation platonique et épistolaire.
Au fil des souvenirs de Joseph Haydn, on rencontre Beethoven ou Mozart et on
revoit soixante-dix ans de vie autrichienne, de la cour impériale, des
guerres qui ont marqué le pays et soixante-dix ans de la vie d'un compositeur
productif et passionné.
Le livre de Dominique Pagnier, rédigé d'une plume élégante
et précise, mélangeant humour et émotion, est une occasion
très agréable de vagabonder dans l'Autriche impériale au
son des messes, symphonies et autres quatuors toujours aussi vivants deux siècles
après la mort de leur créateur. Merci à l'auteur pour ce
très beau portrait
Serge Cabrol
(11/01/13)