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Les tribulations d'un esclave antillais en Amérique À une époque où l'Organisation des Nations unies (ONU) apparente l'esclavage et la traite à un crime contre l'humanité (Conférence de l'ONU, à Durban, Afrique du Sud, en 2001), les discours et les actes de commémoration officielle s'intensifient pour révéler les dessous du fonctionnement politique et économique du système esclavagiste. Mais les historiens et les ethnologues ne sont pas les seuls, loin s'en faut, à se préoccuper de la mémoire de l'esclavage. Suscitées par les lois mémorielles, une multitude d'histoires sont racontées par des chorégraphes, des musiciens, des dramaturges et des écrivains. Parmi ceux-là, l'auteur-illustrateur Maurice Pommier (un ancien postier limousin né en 1946, à Peyrat-de-Bellac, Haute-Vienne) s'avère un excellent pédagogue en livrant au jeune public un nouvel album intitulé Catfish (poisson-chat en anglais). L'ouvrage narre l'itinéraire, au XVIIIe siècle, d'un enfant appelé Baptiste qui s'enfuit des Antilles à bord d'un rafiot chargé de mélasse pour échapper à la condition de sa famille tenue en esclavage dans une plantation de canne à sucre. Noir de peau, le petit antillais parvient en Caroline du Nord où il se réfugie dans le domaine agricole d'Edward Purlin. Recueilli par Kojo, un esclave africain, et sa femme Sarah, il partage les taches et la domesticité du couple. Son habileté manuelle lui vaut de seconder, dans la même exploitation, le tonnelier Jonas, un sujet britannique venu des Midlands de l'Ouest. Encouragés par l'amitié naissante et un destin commun qui les attachent à l'enfant – autrement surnommé Scipio, Catfish et Petit Nèg' –, Kojo et Jonas en viennent à lui confier leur périple respectif. Le premier est le fils d'un dignitaire du Bénin destitué et réduit en esclavage outre-Atlantique ; l'autre, chassé du Royaume Uni par la misère, a émigré en Amérique en échange de sept années de travaux dus à l'armateur pour paiement de l'exode transatlantique Vecteur de l'émancipation du jeune héros éponyme, la tonnellerie sert de prétexte à une présentation didactique et imagée des outils de la corporation. Le livre est d'ailleurs dédié à César Chelor (1720-1784), un esclave affranchi qui dut sa célébrité aux États-Unis à la conception de toute une gamme d'outils ingénieux. Si la plume de l'auteur est belle et raffinée, ses pinceaux ne le sont pas moins. Assez curieusement, la douceur de l'aquarelle épouse la dramaturgie du sujet dont l'auteur ne gomme rien de l'inhumanité, dans le propos comme dans le dessin. En outre, le texte et les images sont sertis dans une ornementation luxueuse de frises et de rinceaux, de prédelles et de culs-de-lampe qui en dit long sur l'admiration que Maurice Pommier porte aux enlumineurs médiévaux. Claude Darras |
sommaire Jeunesse Gallimard Jeunesse Album Junior (Mars 2012) 84 pages - 20 €
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