Jean-Louis RAMBOUR

Le seizième arcane


Titre énigmatique qui semble nous renvoyer à l’arcane du Soleil dans le tarot. Si nous prenons cette idée, ce titre voudrait dire une mise en lumière de tableaux ou photos, ou de cases mémorielles, de personnages ou de situations du temps présent ou du lointain passé. Ce serait une mise en vie, une offre de chaleur offerte à des évènements, des vies de personnages et même si la mort apparaît, ce n’est que le pendant de la vie. Et le poète fait ressurgir devant nous, comme en une renaissance fugace, des êtres qui ne sont plus que dans la mémoire : cette autre demeure / où tu ne peux pénétrer / qu’avec un corps lui-même devenu / souvenir (Adonis). Voilà ce que semble nous dire Jean-Louis Rambour avec cet énigmatique titre. La préface de Pierre Garnier est très intéressante pour l’éclairage qu’elle offre sur le poème, même si elle ne permet pas de résoudre l’énigme. Mais après tout, cette mise en énigme peut très bien s’entendre, le mot « arcane » signifiant « mystère ». La mémoire est un lieu étrange de métamorphoses où les temps et les espaces fluctuent et où les personnages s’estompent, s’éclairent dans un kaléidoscope. Tout peut se transformer dans l’éclairage d’un regard, d’une pensée…

Je peux vous l’avouer, j’aime la poésie de Jean-Louis Rambour pour ce qu’elle a, à la fois, une forme de simplicité et dans le même mouvement une profondeur telle qu’elle vous fait oublier cette simplicité par tout ce à quoi elle vous renvoie. Dans Le seizième arcane, nous sommes en présence d’une beauté somptueuse. Pierre Garnier, lui, parle de danses macabres du XVème siècle qui étaient aussi, somme toute, élégantes : la Mort jouait de la flûte, des seigneurs élégants y dansaient et les dames avaient la distinction des biches ou des femmes fabuleuses des villages africains. Je le suivrais volontiers dans cette voie car il y a quelque chose d’irréel dans cette poésie et en même temps une réalité douloureuse, comme si la nature était la parure somptueuse des dérèglements humains.

Vous aviez la beauté des anges,
treize et onze ans,
et les feux de la rampe
mettaient en relief vos squelettes

Vous aviez laissé inscrire vos noms
sur l’affiche et les programmes ;
les organisateurs avaient eux-mêmes choisi
un dessin de Fernand Léger
et quelques vers de Prévert
Vous aviez la pose des enfants
dont on allait aimer dire
comme ils sont beaux.

On vous apercevait sur le globe
qui tournait d’un seul doigt,
lumineux d’une nouvelle ampoule électrique
pour mieux voir les abysses
et les racines des arbres,
des acacias précisément,
ceux qui étayent le préau,
dont le miel vaut tous les sirops des vendeurs,
et dans lesquels on ne pourra jamais cacher
les armes comme dans le tronc du chêne
il se fit autrefois,
quand on alignait les anges
et les fusillait

Cette poésie où chaque poème est écrin de joaillerie pour un essor d’avenir ou de désir arrêté, comme on sait foudroyer la beauté intérieure des êtres dans leur élan vers les autres, cette poésie est resplendissante dans son approche de la mort, par son côté somptuaire comme si la mort

Hier, accompagné de son âme
a débarqué à Roissy-en-France
un grand homme blanc,
de toge, peaux, cheveux, aux lèvres blanches… ;

venait jouer de la flûte dans nos vies, cherchant à nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Merci à Jean-Louis Rambour pour ce magnifique recueil où sa poésie magnétise les yeux du lecteur qui ne peut détacher son regard des poèmes.

Gilbert Desmée 
(03/01/09)    



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Poésie









Editions Corps Puce
Liberté sur Parole
102 pages - 10 €


Editions Corps Puce
27 rue d’Antibes
80090 Amiens