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Jean-Yves REUZEAU

Janis Joplin



« On m'a balancée dans ce groupe rock, on m'a refilé des musiciens dans les pattes, et la musique me poussait dans le dos. La basse me propulsait. C'est alors que j'ai décidé de me lancer totalement là-dedans. J'ai plus jamais voulu faire autre chose. C'était mieux et meilleur qu'avec n'importe quel mec. Et c'est peut-être justement ça le problème... »

Jean-Yves Reuzeau, auteur de plusieurs livres sur Jim Morrison, les Doors et les Rolling Stones, nous offre maintenant une brillante biographie de Janis Joplin.
Un magnifique portrait de l’étrange et fascinante Janis Joplin (décédée à 27 ans) mais aussi une très riche peinture des sixties aux Etats-Unis, dans un pays qui sort à peine du maccarthysme (1950-56) et encore très marqué par le racisme (malgré la première loi sur les droits civiques votée en 1957), un pays qui s’embourbe dans la guerre du Vietnam mais où des milliers de jeunes, à San Francisco et ailleurs, vont vivre une décennie rebelle, pleine d’espoirs et de contestation, de bruit et de fureur, d’amour, de fleurs et de fête, d’alcool, de drogue et de musique.

Dans la première partie, La cicatrice intérieure (1943-1965), nous découvrons une jeune texane (née à Port Arthur) mal dans sa peau. Port Arthur est « une ville de raffinage perdue dans une zone marécageuse au sud-est du Texas », à la limite de la Louisiane. « Les mentalités sont rugueuses, les codes sociaux bien définis, au détriment des femmes notamment. » Le père de Janis travaille à la Texaco Company, sa mère est « une femme d’intérieur exigeante qui habille ses filles de robes coquettes, à l’élégance affectée. Pour elle, il s’agit essentiellement de faire bonne figure auprès des voisins et des connaissances. » Janis n’aura de cesse d’échapper à cet univers étriqué, machiste et réactionnaire pour vivre « autrement ».
Très tôt, elle écoute des disques de blues, et « prend l’habitude de chanter par-dessus les morceaux qu’elle entend à la radio, couvrant la voix du chanteur ou plus volontiers de la chanteuse. La plupart des artistes qui la séduisent sont des Noirs, dont la musique lui semble faire vibrer le corps. » Elle est surtout fascinée par la voie de Bessie Smith, morte en 1937 des suites d’un accident de voiture dans le Mississipi. « Alors qu’elle a un bras arraché et qu’elle perd beaucoup de sang, un hôpital refuse de l’accueillir en raison de la couleur de sa peau. »

Au fil de ses lectures et de ses rencontres, Janis Joplin radicalise ses positions et, en contrepartie, devient la cible de multiples vexations. « Pour s’endurcir face à la meute, elle corse son vocabulaire à la manière d’un homme et accentue ses manières d’aventurière, elle devient une boule d’énergie et se déclare en faveur de l’intégration raciale des Noirs. »
Lorsque des étudiants lui décerneront le titre de "mec le plus moche du campus", elle sera profondément humiliée ; cet épisode va « la traumatiser à jamais, et alimenter un complexe de séduction qui l'accable. Pour y remédier, elle multiplie les conquêtes masculines sans lendemain et trouve un refuge sentimental dans la compagnie des femmes. »

Chacun des cinq chapitres suivants est consacré à une année de la vie de Janis Joplin entre 1966, où elle quitte le Texas pour la Californie, et 1970, où elle meurt d’une overdose au sommet de sa gloire.
Cinq années de passion, de combat, d’alcool, de drogue et de musique. « Hey, man, je ne veux pas vivre de façon peinarde. Je veux flamber. Je veux couver sous la cendre. Je ne veux rien d’autre. »

Cet ouvrage, à la fois roman d’une vie et d’une époque, brille par son érudition. Il nous précise, par petites touches, au fil du récit, tous les termes clés de cette période, nous présente tous les mouvements (beatniks, hippies, Hell’s Angels) auxquels sera mêlée Janis Joplin, tous les courants musicaux, tous les groupes qu’elle va côtoyer, tous les grands festivals (Monterey, Woodstock…) et tous les lieux où elle va se produire de Los Angeles et San Francisco à New York, au Canada ou en Europe (en passant par Paris et l’Olympia en 1969) et tous les moments forts de l’existence fulgurante de "la plus grande chanteuse de blues blanche de tous les temps". On y croise tous les grands noms de la musique, de la littérature ou du cinéma qui ont marqué et forgé cette époustouflante décennie.

Au-delà des amateurs de rock ou de blues, ce livre doit toucher plus largement tous ceux qui seront fascinés par ce parcours exceptionnel, par l’énergie de cette femme hors du commun, et qui seront portés par l’écriture passionnée et passionnante de Jean-Yves Reuzeau.

Serge Cabrol 
(06/03/08)    



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Lectures









Editions Gallimard

Folio biographies
420 pages - 8,40 €





Photo © Olivier Philipponnat

Jean-Yves Reuzeau,
directeur littéraire des éditions Le Castor Astral qu'il a fondées en 1975 avec Marc Torralba, a travaillé une dizaine d'années dans l'édition musicale (dont le label Elektra, celui de Jim Morrison et des Doors). Ecrivain et poète, il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages sur Jim Morrison, les Doors et
les Rolling Stones.