Après avoir été présente au palmarès de nombreux concours, Virginie Roussel a remporté cette année le prix Prométhée, pour son recueil, Les hommes sont des petits poucets, publié aux éditions du Rocher.

Ces douze nouvelles, d'une écriture très maîtrisée, au lyrisme baroque, plongent le lecteur dans un univers qui s'impose avec force dans son étouffante noirceur. On y rencontre des créatures repliées sur des ténèbres intérieures nées de la frustration et du désamour, qui ne trouvent d'exutoire que dans le meurtre, telle l'héroïne des Serpents de Luna Prima, rejetée par sa mère dès sa naissance, avec « ses tripes qui se nouent dans son ventre comme des serpents » : elle accumule les crimes comme autant de compulsions irrésistibles, et, sur la fin de sa vie, malade de son impunité, « compte les morts pour s'endormir. »

Parfois c'est un incident apparemment infime, comme la mort d'un oiseau dans Robert Fraise, qui sert de catalyseur : soudain le trop plein des rancœurs accumulées déborde et aboutit au geste libérateur.

La tendresse n'est pas pour autant absente de l'univers de Virginie Roussel, où elle s'impose avec une nostalgie lancinante de paradis perdu : « La chambre se peuplait de baisers coquelicots, d'étreintes en feu d'artifice, et nos regards avivés l'un dans l'autre illuminaient la nuit comme un gigantesque sapin de Noël ».

Il faudrait citer tous les titres de ce recueil très cohérent, dont les thèmes se répondent et s'entrecroisent pour mieux piéger le lecteur. Ces nouvelles où « les fées sont cruelles, les princes égarés et les bergères des ogresses cannibales » le touchent au plus profond, et ne s’en laissent pas oublier.

Sylvie Huguet 
(article paru dans Encres Vagabondes N°21, Hiver 2000)    

Et la préface de Christiane Baroche se termine ainsi : « Je suis curieuse de savoir ce que Virginie Roussel nous offrira demain dans un prochain recueil, car, vous l'avez compris, elle n'est pas une écrivain occasionnelle, elle est nouvelliste, et ma foi, j'en sais quelque chose, on perdure ou l'on crève. »