Christian Roux, Les ombres mortes


Geoffrey Martin est un rescapé. Il y a huit ans, sa voiture s’est encastrée méchamment dans un arbre. Un accident qui aurait dû être fatal mais d’où il est ressorti intact… complètement amnésique. Un mystère plane autour de son identité et de son passé : les papiers trouvés sur lui étaient faux, il ne figure sur aucun fichier de police et personne ne l’a identifié. Un homme venu du néant pour lequel ce nom d’emprunt sera, faute de mieux, légalisé.

Il partage maintenant son temps entre son emploi de technicien d’entretien, ses soirées avec Tom, collègue et ami, le bistrot de Mario, aux pizzas étranges et quelques copains qu’il retrouve là. Depuis peu, il a rencontré Josépha, le grand amour dont il n’osait rêver. Seule ombre au tableau, un cauchemar récurrent, une vision qui lui donne la migraine : « un œil détaché de son orbite vient rouler dans le caniveau à ses pieds et tombe dans une bouche d’égout ».

C’est l’intervention du lieutenant de police Lancelot, venu annoncer le suicide par pendaison de Josépha, qui fera basculer, une deuxième fois, le destin de Geoffrey vers le drame. Peut-on croire à ce geste définitif chez celle qui, la veille, avait programmé leur aménagement sous le même toit ? Serait-ce un meurtre déguisé en suicide ? Geoffrey s’interroge et l’étrange officier de police à la peau jaune qui le harcèle semble partager ses doutes. Abasourdi par l’incompréhension et la douleur, assailli par un vague et irrationnel sentiment de culpabilité, déstabilisé par Lancelot, Geoffrey sombre dans les désordres de l’alcool, quitte son travail, plonge dans la nuit.

Un deuxième suicide, des événements inexplicables dont il semble l’enjeu, des menaces qui planent… Après la mort de Josépha, l’existence de Geoffrey se transforme en enfer. Il se retrouve au centre d’un piège mortel dont il ne pourra comprendre le sens qu’en retrouvant son passé.

Dans ce roman, s’entrecroisent deux voix : celle de Geoffrey, dont on ne saura qu’à la fin s’il appartient au monde des victimes ou des bourreaux, et celle de Lancelot, étrange inspecteur passé maître dans l’art de faire le café depuis qu’il ne boit plus… que ça, policier à la double vie qui cloître dans son appartement une perle noire sans papiers et qui, sous couvert de lutte anti-terrorisme, jouit de toutes les libertés pour une enquête sans mobile apparent.

L’histoire est folle mais Christian Roux sait camper des personnages attachants, bien ancrés dans la réalité historique, sociale, politique et humaine de notre époque. Le lecteur jamais en repos, s’interroge, tremble, s’émeut de tant d’amour, s’indigne devant la violence en marche, compatit au sort de ces êtres fragiles que la vie a parfois rendus terrifiants… « Un machiavélique récit où le suspense fait écho au tragique dans un jeu de perpétuels rebondissements. » Et il faut attendre la 200e page pour comprendre les rouages de cette très humaine diablerie. Pour parachever tant de noirceur, le roman se termine sur une petite note d’espoir… bienvenue.

Christian Roux, remarqué et primé pour son premier roman, Braquages, prouve avec Les ombres mortes qu’il fait plus que tenir ses promesses.
Un des bons polars de la rentrée, de ceux que même l’heure tardive ne vous fait pas quitter avant la dernière page, de ceux dont les personnages vous accompagnent une fois le livre refermé.

Dominique Baillon-Lalande 



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Noir & polar






Editions Rivages / Noirs
246 pages
7,50 €

Prix Polar 2006
Montigny-lès-Cormeilles
www.salondupolar.com











Braquages
Serpent Noir, 2002
Folio Policier, 2004