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Ellen vit aux Etats-Unis avec Sam. Pour les vingt ans de la chute du mur, en
tant que professeur d'histoire, elle est invitée à Berlin. Un
océan va la séparer de Sam à qui elle peut penser alors
comme à un pays clos qui ne laisse pas prise aux agressions extérieures
en ne dévoilant jamais ses pensées intimes "dans l'espoir
de laisser croire que la vie est facile
" Par le biais d'allers et retours dans le présent et le passé de la ville, par le biais de ce voyage initiatique qu'Hélène a vécu dans le Berlin des années 70, par le biais des personnages rencontrés qui tour à tour deviennent narrateurs et guides, chacun symbolisant un morceau du passé tragique de Berlin, de son enfermement, de sa déchirure, on découvre, redécouvre la ville où vivaient deux étranges tribus séparées par un mur : les Wessis et les Ossis qui, comme à Lilliput, ne mangent peut-être toujours pas leurs ufs par le même bout. Si on rêve toujours d'Italie, embrasser Berlin peut sembler rébarbatif et pourtant Bernard Thomasson nous prouve que plonger dans Berlin ressemble à un fascinant voyage dans l'inconscient collectif du vingtième siècle ! On a tous en nous quelque chose de Berlin ! En faisant déambuler Hélène, puis Ellen, à deux époques différentes, dans le Berlin d'avant le mur et dans celui d'après, on a un panorama complet de la ville qui est, évidemment, le personnage principal du livre, la quintessence de tous les personnages que va rencontrer "la petite Française" et qui vont lui servir de guides. A tour de rôle, les personnages racontent comment ils se sont promenés avec Hélène et comment, par des faits historiques ou des anecdotes, ils lui ont livré, en même temps que leur vision de la ville, leur histoire, petit bout de l'Histoire de Berlin. Un narrateur, sorte de reporter en voix off, intervient de temps en temps, pour donner des informations supplémentaires. Alors que la traversée du mur, à Checkpoint Charlie, ressemblait
pour les touristes à un étrange rite relevant de la magie noire
: il suffisait de traverser un mur pour plonger dans une autre époque,
celle des années 50, et retrouver dans le grand magasin désuet,
près d'Alexanderplatz, les objets et les jouets d'une vie révolue.
Il suffisait de montrer, un peu anxieux tout de même, son passeport, pour,
étourdis par la foule après les grandes artères vides de
l'Ouest, ville à la campagne où les voitures silencieuses semblaient
glisser respectueuses des piétons et des vélos, et ahuris par
le crachotement des trabis, il suffisait de vivre à l'Ouest pour oublier,
en découvrant les fastes du musée Pergame ou dans la collection
d'antiquités égyptiennes, le sourire de Nefertiti, la paranoïa
des vopos qui surveillaient la bonne marche de cette immense cloche de verre
d'où certains ne pouvaient jamais sortir. Hélène n'a pas
eu de chance. Planant sur Kraftwerk avec ses premières amours, son escapade
à l'Est commence effectivement comme un jeu mais vire au cauchemar
" L'étape berlinoise fut le socle fondateur de sa vie d'adulte." Cette histoire ne dure que le temps d'un retour, que le temps des festivités
autour de la chute du mur. Mais le passé d'Hélène et celui
de Berlin ressurgissent comme ressurgit, avec ces lettres gothiques, appréciées
du troisième Reich, et aperçues en un éclair dans cette
station fantomatique juste éclairée par la lumière du métro
filant sans s'arrêter, la station étant à l'Est, l'horreur
nazie. "C'est fou comme une ville peut en devenir une autre
Sylvie Lansade (03/10/11) |
Sommaire Lectures Editions du seuil 272 pages - 18 €
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