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Minh TRAN HUY

La double vie d'Anna Song


Inspiré de faits véridiques, le roman de Minh Tran Huy nous conte l’histoire d’Anna Song, jeune pianiste virtuose qu’une maladie implacable conduit à renoncer au monde brillant des récitals avant que son talent ne soit reconnu par le public et la critique. Cloîtrée dans le petit manoir que son mari a acheté pour elle, elle consacre ses dernières années à enregistrer un répertoire considérable, et suscite bientôt l’engouement des mélomanes. Mais une révélation d’un internaute, bientôt suivie d’un scandale, vient très vite ébranler cette gloire nouvellement née : les enregistrements attribués à Anna seraient en fait l’œuvre d’autres pianistes, que des manipulations électroniques auraient maquillée. Quel est le secret de cette artiste qui devrait sa célébrité à une escroquerie sans exemple ? C’est à cette question que tente de répondre ce roman conçu comme une longue nouvelle, jusqu’à une chute aussi bouleversante qu’inattendue.

La construction fait alterner des articles de presse, dont la succession permet de reconstituer la naissance et le développement du scandale, et le récit de Paul Desroches, qui fut pour Anna un ami d’enfance, avant de devenir son mari et son producteur. Grâce à lui, on découvre la personnalité de l’héroïne, née en France de parents vietnamiens, dont toute la vie, dès les premières années, est orientée par la volonté inflexible d’accomplir envers et contre tout son destin d’artiste. Discrète, pareille à un miroir d’eau pure dont la surface masque le tumulte des profondeurs, Anna est un personnage habité, dont le rêve s’enracine dans le souvenir fantasmé d’un Vietnam qu’elle n’a jamais connu, et plus particulièrement celui de son grand-père, lui aussi hanté par un rêve – construire une maison splendide qui puisse incarner sa réussite : « Ces murs (…) constituaient tout à la fois l’aboutissement de son parcours et un commencement : il établissait là, songeait-il, les fondements d’un avenir, celui de ses enfants et petits-enfants. » Mais le rêve à peine réalisé, les autorités françaises l’en dépouillent en confisquant la demeure. Et c’est en quelque sorte pour lui offrir une revanche différée qu’Anna veut devenir une pianiste exceptionnelle, volonté qu’elle conservera intacte malgré les coups du sort.

Le livre touchera particulièrement les mélomanes, mais aussi tous les amoureux de l’art qui tiennent la beauté pour une valeur suprême, capable de donner sens à une vie. C’est aussi le roman de l’amour absolu, celui que Paul voue à Anna depuis leur enfance commune, amour qui est indissolublement celui d’une femme et celui de la musique dont elle est l’incarnation. C’est enfin un livre qui proclame les droits de l’imaginaire et la supériorité de la fiction sur le réel, lorsque la fiction permet un accomplissement plus authentique.

L’écriture, d’une grande pureté et d’une élégance rare chez les jeunes auteurs, allie la sobriété au chatoiement des sensations les plus exquises. Avec cette double vie d’Anna Song, Minh Tran Huy tient toutes les promesses de son premier roman, La Princesse et le pêcheur.

Sylvie Huguet 
(13/12/09)    



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Editions Actes Sud

192 pages - 18 €



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Minh Tran Huy


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