Benoît VIROLE

Shell



L’univers virtuel des jeux vidéo devient un monde à part entière dans le roman de Benoît Virole. On pénètre très vite dans le texte, on se prend au jeu quasiment instantanément comme si l’on jouait aussi au New World Ecstasy.
Même quand on est ignorant de cet univers, Benoît Virole réussit cet exploit de nous y conduire, de nous le présenter :
D'autres encore, comme ces sortes d'arbustes épineux que Faust découvrait sur les bords du fleuve, ne possédaient pas d'envers. En se mettant de profil, l'arbre devenait une ligne plane sans aucune profondeur. En revanche, tous possédaient une symétrie parfaite. Or, Gabriel savait pertinemment que ce qui compose le réel, provenant du règne animal, végétal ou minéral, présente des défauts de symétrie. « Défauts! Quel mot impropre pour définir ce qui constitue l'essence même de l'objet. Pas d'objet réel sans rupture de symétrie. Le défaut de symétrie constitue l'être de l'objet » avait coutume de déclamer avec emphase Gabriel lors de ses cours d'esthétique. Là, sous ses yeux, il découvrait une nouvelle réalité, aux objets idéalement symétriques, aux arêtes sans défauts, aux contours si parfaits qu'ils semblaient être le fruit d'une création sublimée, d'un ordre à la précision divinement mathématique. Il s'intéressa aussi aux fondements ontologiques de la réalité virtuelle et nota que les paysages d'Ecstasy paraissaient vrais car certains éléments étaient animés de mouvements chaotiques. Les nuages dans le ciel se formaient et se défaisaient sans plan défini. Parfois, les frondaisons écarlates des magnifiques flamboyants tremblaient sous l’effet d’un vent imprévisible.

Il nous y intéresse, nous en montre les risques et les travers :
- Nous allons intercepter ce Mourad et l'éliminer physiquement car nous n'avons pas le choix. Aujourd'hui, des centaines, voire des milliers de jeunes musulmans, dévorés par la haine de l'Occident, quittent l'islam pacifique. Fascinés par le djihad, ils sont exposés à une propagande radicale sur Internet. Au fin fond de l'Afrique, dans la plus petite île de l'océan Indien comme dans les cités des banlieues occidentales – tenez, ici même, de l'autre côté du périphérique –, des internautes consultent des sites qui appellent à la destruction de l'Occident et vouent les juifs et les chrétiens aux flammes de l'enfer. Et il ne s'agit pas uniquement de propagande. Ces sites sont interactifs et permettent à des djihadistes de se contacter, se regrouper, se préparer au combat.

Nous devenons addict. Il est difficile de quitter le roman comme les joueurs n’arrivent pas à abandonner leurs personnages qui continuent à vivre quand ils ferment leur ordinateur. Ils s’empêchent de dormir pour poursuivre le jeu. Les personnages sont créés par chaque joueur et permettent à leur créateur de vivre ce qui est impossible dans le monde réel.
Benoît Virole imagine l’utilisation de cet univers maléfique dans des projets de terrorisme. Le virtuel s’immisce dans le réel et le réel dans le virtuel mais ce qui est inquiétant c’est que la violence est au cœur des relations entre les individus. L’humain se dissout aussi facilement que les morts dans le jeu vidéo.
Ce roman révèle très bien toutes les dérives possibles et les utilisations maléfiques de ce type de jeux qui fascinent tant de jeunes. Nous ressentons bien ce que veut dire la dépendance, ce que le virtuel peut détruire dans le réel.
La dimension psychologique et militante est aussi présente, l’écriture est efficace et très agréable ce qui donne un plaisir réel à lire ce roman.

Brigitte Aubonnet 
(17/01/08)    



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Lectures









Hachette Littératures
216 pages
17 €





Benoît Virole
est psychanalyste,
auteur de plusieurs ouvrages dont L'enchantement Harry Potter, Le Voyage Intérieur de Charles Darwin, Psychologie
de la surdité
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Pour visiter son site :
www.benoitvirole.com