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Rodrigo DE SOUZA LEÃO

Tous les chiens sont bleus

On m’a obligé à venir ici. Je ne voulais pas venir. Je ne veux pas rester, putain ! Avertissez-les que je suis Charles Laughton, putain !..  Ceux qui sont abandonnés auraient une meilleure vie hors de l’asile, même moi. Disons que je passe une saison en enfer, une saison dans la tête avec mes amis poètes et acteurs.
Rodrigo de Souza Leão


Rodrigo de Souza Leão, né en 1965, mort en 2009, est un auteur brésilien qui fut également musicien, peintre et journaliste.  Tous les chiens sont bleus écrit en 2001 est publié en 2008 au Brésil. A ce titre il faut remercier les éditions du Lampadaire de nous en offrir la première parution française. L’auteur est également poète et schizophrène, il fait deux séjours en clinique psychiatrique.

« Les vêtements se baladaient seuls. Seuls et de manière fantasmagorique, ils marchaient autour du feu. Certains vêtements se jetaient dans le feu. Ils faisaient un chahut dans la nuit.
Une immense haine de la maladie. Personne n’accorde d’importance à ce qu’ils disent. Je ne pouvais dire à personne que Rimbaud croyait que j’avais tué Redoutable fou. Pas Baudelaire. Il savait que je n’avais rien fait.
Fronsky a dit qu’il viendrait me chercher quand j’aurais 18 ans et jusqu’à présent il n’est pas apparu dans sa soucoupe volante. On dit que c’est de la folie de voir des soucoupes volantes. Après Haldol peu de gens voient des saints ou des ovnis. »

En aucun cas c’est un témoignage, un récit de la schizophrénie ou de la clinique psychiatrique. De parole sans importance il en a fait une prose poétique grâce au compagnonnage de Rimbaud et de Baudelaire. En fait j’y vois, comme l’indique l’exergue de cette chronique Une saison en enfer brésilienne. D’ailleurs l’auteur n’indique-t-il pas, « Je vois Rimbaud depuis que l’ai 23 ans. Baudelaire c’est plus tard. »

L’incipit du texte est : « J’ai avalé une puce électronique hier. Je me suis mis en tête de parler du système qui m’encercle. Il y avait une électrode sur mon front, je ne sais pas si j’ai avalé l’électrode avec la puce. Les chevaux galopaient. Sauf le cheval marin qui nageait dans l’aquarium. »  Rimbaud commence ainsi Nuit de l’enfer, « J’ai avalé une fameuse gorgée de poison… »  À chacun son sujet, quoique…

L’auteur veut parler « du système qui m’encercle », on pense naturellement à la clinique, mais quand on sait que le texte se termine par l’invention d’un langage, le Todog (pour les chiens bleus ?) et d’un nouveau culte, on peut rapprocher les deux poètes. Rodrigo de Souza Lea᷉o n’indique-t-il pas « Je veux être un enfant. Je suis Rimbaud. »

La Fréquentation de Rimbaud et de Baudelaire se fait dans la joie et la moquerie. Quand Rimbaud assoit la beauté sur ses genoux, l’auteur la prend dans ses bras. Plusieurs fois il voit « les merveilleux nuages » de Baudelaire, cependant il trouve ce dernier vieux et sérieux, trop formel

Et puis on se demande si ce langage inventé ce n’est pas le chemin poétique, inventer sa langue, l’hallucination n’est pas une belle image, le culte « Todog » n’est-il pas celui de la poésie ? Un poème à lire pour ses délires et hallucinations, sa schizophrénie esthétique.

Michel Lansade 
(24/01/24)    



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Poésie


















Le Lampadaire

(Novembre 2023)
96 pages - 13 €