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Olga DUHAMEL-NOYER


Mykonos


Leurs visages sont ouverts, tendus vers la perfection d’intensité que peut atteindre le désir à Mykonos. Ils scintillent comme la boule disco géante accrochée au-dessus de la piste de danse principale.

Pour passer une semaine sous le soleil impitoyable de Mykonos où l’alcool et la musique roulent sur les flots turquoise de la mer, quatre jeunes gens débarquent dans la carte postale : villages labyrinthiques aveuglants de blanc, célèbres moulins à vent posés au bord de l’outre-bleu de la mer Egée.

Christopher a eu l’opportunité d’avoir la maison d’un oncle et a dit à Sebastian, Jules et Pavel qu’il y avait de jolies filles sur l’île, qu’elles n’étaient pas toutes lesbiennes et qu’il n’y avait pas que des homosexuels qui venaient ici et que c’était la fête permanente. L’île est envahie de touristes, l’île est peuplée d’endroits plus ou moins branchés, plus ou moins chics, dédiés à la fête, la drague, l’oubli. L’île est sillonnée de motos et de scooters que l’on emprunte sans casque, les places à la mode ont beau être sans cesse balayées, elles sont couvertes de canettes vides, de bouteilles, de mégots. Les poubelles débordent.

Le décor est planté, mais on est en Grèce, la tragédie rôde toujours sous le soleil. Sous chaque phrase innocente, dans chaque mot choisi avec soin par Olga Duhamel-Noyer, dans chaque déplacement des jeunes gens, on sent comme un danger qui les guette.

Le sentier qu’ils suivent est escarpé, il conduit à un grand promontoire qui domine la petite baie sauvage que la côte déchiquetée du sud de Mykonos permet de dérober aux regards des fêtards. L’eau bleue les attend tout en bas. L’absence d’arbres modifie l’appréciation des distances. Des ronces, des chardons et des pierres. Et derrière les pierres, Pavel ne les voit pas, il y a les vipères.

Roman très court, haletant, violent comme le soleil des cyclades, mystérieux comme les flots qui entourent l’île, âpre comme la langue qu’échangent les marins.  La langue grecque donne accès à un autre univers. Un univers plus complexe et plus souterrain que celui de la plupart des pays d’où viennent les touristes, c’est l’impression qu’il a.

On lit et on a l’impression d’entendre le beat des haut-parleurs à moins que ça ne soit le bruit des vagues ou notre cœur qui cogne un plus fort. L’eau bleue frappe le rocher blanc, percute le rocher, vague après vague, puis se retire, faisant rouler quelques petits cailloux…
Sous l’inanité de la fête flotte comme un parfum de décadence, de fin du monde, de mort.

Sylvie Lansade 
(16/05/24)    



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Olga DUHAMEL-NOYER, Mykonos
Héliotrope

120 pages - 17 €









Olga Duhamel-Noyer,
née en 1970 à Montréal, est aussi éditrice.