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Jean-Luc FRANCEZON

La démocratie
Une belle idée en voie de disparition…


Pour qui aime les plaidoyers concis, serrés comme un café italien et savoureux, quelque chose de très simple, en somme, et d’horriblement difficile à composer, le livre de Jean-Luc Francezon, « La Démocratie, une belle idée en voie de disparition… » est une providence. Il possède cette part d’érudition et d’humour qui donne à nos plaisirs de lecteur plus de subtilité et à nos sens un peu plus d’acuité. Il y a cent ans Walt Whitman remarquait avec justesse que la Démocratie était encore à naître. Le poète et romancier américain n’était pas dupe de la volonté affichée des États et même des États démocratiques d’inciter les citoyens à développer cette force critique et libre qui ne manquerait pas de les rendre plus difficiles à gouverner… « Le pouvoir du peuple… Le pouvoir au peuple… Une belle idée que je porte depuis plus de deux mille cinq cents ans maintenant. » annonce d’emblée, mais sans illusions, le narrateur qui parle ici au nom de la Démocratie. La rétrospection très savante à laquelle nous assistons au fil des pages fait état des grands mouvements et tentatives voués à privilégier l’égalité sur la hiérarchie, la liberté sur la tyrannie, la justice sur l’arbitraire. Autant d’étapes vers une démocratie tant rêvée que nous suivons d’un continent à l’autre, d’une législation à une autre législation, d’une bataille à une autre bataille, d’une révolte à une autre révolte. En 1215, l’Angleterre fait naître l’espoir en promulguant la Grande Charte qui reconnaît aux sujets du royaume des libertés et des droits : l’absolutisme royal est mis en échec. Ce fut le cas quelque temps plus tard dans les grandes cités maritimes de la Méditerranée, Gênes, Venise, Amalfi, Marseille : le pouvoir était économique et s’accommodait fort bien des passions mystiques et guerrières de la noblesse comme on allait le voir lors des Croisades. La royauté fut bousculée en Pologne avec la constitution au XIVe siècle des institutions parlementaires, mais seuls les nobles prenaient part à la Diète et le système excluait purement et simplement le peuple. De nos jours, le principe de démocratie est mis à mal dans diverses régions du monde et plus spécialement à l’est de l’Europe, en dépit de quelques belles poussées démocratiques en Géorgie et en Ukraine. « L’ivresse qui naît des grands rassemblements pousse [les] gouvernants à échafauder de nouvelles manières de gouverner, plus directes, plus égalitaires, reconnaît en outre le narrateur. Mais moi je sais, pour les avoir expérimentées, qu’elles sont très anciennes et très précaires. Car les intérêts privés reprennent vite l’avantage sur les spéculations politiques. » La profession de foi est invoquée sans illusions, disais-je, car comment se fait-il que « les méthodes des états autoritaires aient fini par déteindre sur les états démocratiques ; ceux-là mêmes qui s’étaient initialement donné pour mission de les ramener dans leur camp » ? Si la démocratie est gravement menacée aujourd’hui, Jean-Luc Francezon en appelle à l’intelligence et à la raison de chacun pour en écarter le danger latent ; il veut cependant croire au pouvoir renouvelé de la volonté humaine d’étendre la liberté, l’égalité et la fraternité. Et conclut ainsi son admonestation : « Oui mon principe est en régression en ce XXIe siècle et les dictatures ont repris de la vigueur un peu partout dans le monde. Des dictatures habilement ripolinées au néo-libéralisme ; des dictatures parfaitement décomplexées vis-à-vis des institutions internationales qui s’évertuent à les rappeler à plus d’humanisme ; des dictatures qui se moquent ouvertement de leurs sanctions et qui menacent la paix. »« Je sens bien que beaucoup voudraient me pousser vers la sortie, poursuit-il avec la même pertinence, vers le musée des idées ou - pire ! - dans les oubliettes de l’Histoire. Mais je résiste encore avec les forces qui me restent. Et lorsque je vois des hommes et des femmes descendre dans la rue pour braver courageusement un pouvoir criminel à Moscou, Téhéran, Kaboul, Hong-Kong ou au Caire, je retrouve moi aussi une nouvelle jeunesse. Ce sont eux les véritables héros de cette époque. Au péril de leurs vies, ils témoignent de cet irréductible besoin de liberté logé au cœur de tout être humain, quels que soient son sexe, sa couleur de peau ou sa religion. C’est de ce besoin que je suis né(e) et que j’ai grandi dans les esprits. »

Claude Darras 
(20/03/24)    



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Jean-Luc FRANCEZON, La démocratie, une belle idée en voie de disparition…
Le Port d'Attache

(Février 2024)
20 pages - 3,50 €