Quand commence le roman, elle sort de la clinique psychiatrique Las Flores où elle vient de passer trois mois après une tentative de suicide, rongée par la culpabilité d’avoir encouragé son père à piloter et provoqué sa mort.

En chapitres alternés nous la suivons dans le présent de ce retour difficile à la vie quotidienne et dans les souvenirs de son séjour à la clinique.
« J'étais convaincue qu'avec maman et le psychiatre, ils avaient comploté pour m'enfermer chez les fous. L'oncle Nicolas n'avait cessé de m'expliquer que ce n'était pas une maison de fous, mais un endroit où les jeunes qui avaient traversé des épreuves pouvaient se réfugier jusqu'à la fin de la crise. La crise ? Ce que je vivais n'était pas une crise. Je voulais mourir, point barre.
À l'époque, j'ignorais qu'à Las Flores il y aurait Gabriel, Gogo, Clara, Domi. Qu'on se rencontrerait dans ces jardins laissés à l'abandon. »

Gabriel est un garçon passionné par les mathématiques, les algorithmes et la cartographie.
Hugo, surnommé Gogo, homosexuel, a subi beaucoup de violence et de harcèlement.
Clara est celle qui partageait la chambre d’Emilia et beaucoup de secrets.
Domi est une superbe adolescente qui se croit irrésistible et ne supportait pas que Gabriel lui préfère Emilia.

Car, au cœur de ce roman, il y a une histoire d’amour, complexe, délicate, entre Gabriel et Emilia, malgré leurs souffrances et leur manque de confiance en eux-mêmes.

Chaque chapitre consacré à la clinique a pour titre le nombre de jours, d’heures et de minutes « depuis la disparition de Gabriel ».
 « Gabriel n'a pas mon numéro de portable. Comment ai-je pu être assez bête pour ne jamais le lui donner ? En y réfléchissant, ses parents ont dû lui confisquer son téléphone, ainsi que son ordinateur. Ils n'ont pas la moindre putain d'idée de ce qu'il ressent. Mais moi, je sais que tant qu'on ne sera pas à nouveau réunis, il ira de pire en pire. »

Comment la relation s’est construite entre Emilia et Gabriel, quand et pourquoi Gabriel a disparu, nous le découvrons peu à peu tout en suivant les efforts d’Emilia pour le retrouver.

Carla Guelfenbein réussit un beau roman, fort et original, mettant en scène des adolescents abîmés par la vie, mal compris par les autres, rongés par la culpabilité, le mal-être ou le manque de reconnaissance, souvent prêts à sortir les griffes, mais ayant aussi un énorme besoin d’amour et de compréhension. Et puis, il y a la passion qui sauve souvent de tout le reste, passion d’Emilia pour le pilotage aérien, passion de Gabriel pour les mathématiques et la cartographie, sans oublier la passion amoureuse, bien sûr…

Serge Cabrol 
(03/07/24)