Ce roman pour la jeunesse, publié en 1899 par une autrice anglaise moderne et progressiste, met en scène une fratrie de six enfants entre 8 et 13 ans. Leur mère est décédée, leur père très occupé et leur situation financière ne leur permet plus d’aller à l’école. Ils sont donc livrés à eux-mêmes une bonne partie de la journée, ce qui leur permet de vivre des aventures qui partent d’une bonne intention mais ne rencontrent pas le succès espéré. Leur histoires se terminent généralement sans trop de dégâts et sont racontées avec beaucoup d’humour par l’un d’entre eux.
« Je ne vous dirai pas lequel d'entre nous raconte cette histoire. Sauf peut-être à la fin du livre. Vous pourrez toujours essayer de deviner et peut être que vous trouverez, mais je suis presque sûr que ce ne sera pas le cas. »
Le narrateur n’étant pas le plus modeste des six, le lecteur attentif trouvera assez rapidement qui parle à la première personne. C’est un jeu intéressant, à la fois comme une énigme à résoudre et une réflexion sur la notion de point de vue. Qui parle ? Et que dit-il de lui-même et des autres ?
« Depuis la mort de maman, tous nos habits sont gris ou noirs. Notre père n'aime pas beaucoup que nous réclamions un nouveau vêtement ou quoi que ce soit d'autre. C'est aussi ce qui nous a fait comprendre que nous étions devenus pauvres. […]
Après la mort de maman, notre père est tombé gravement malade. C'est au même moment que son associé est parti en Espagne et que tous les domestiques nous ont quittés.
Il ne nous reste plus qu'une cuisinière, Eliza. C'est important, une bonne cuisinière. […]
Puis notre père nous a annoncé que des vacances nous feraient du bien, alors nous avons quitté l'école. Il a ajouté que dès que ce serait possible, il nous trouverait des établissements encore meilleurs. Nous aurions préféré qu'il nous dise que c'était parce qu'il n'avait plus assez d'argent car évidemment, nous n'étions pas dupes. »
Pas de misérabilisme ici mais une belle énergie et une saine émulation.
« Les caisses sont vides ! a déclaré Alice en secouant notre tirelire. Nous devons agir. »
Les six enfants se réunissent en conseil pour trouver une solution et les idées ne manquent pas pour « restaurer la richesse de la famille » mais elles ne sont pas toujours honnêtes ou réalisables. Chercher un trésor. Devenir détectives. Publier des poèmes dans un journal. Épouser une princesse. Prendre un passant en otage et demander une rançon. Créer un journal et le vendre. Simuler une agression pour défendre un homme en danger. Inventer un médicament et trouver ensuite ce qu’il soigne...
À chaque échec, ils ne se découragent pas et s’engagent courageusement dans la tentative suivante. Chacune de ces aventures donne lieu à un chapitre à la fois drôle et émouvant, où l’on apprend peu à peu à bien les connaître et apprécier leur énergie communicative.
Heureusement, ils ont la chance de tomber parfois sur des personnes compréhensives qui, au lieu de les ridiculiser ou les condamner, vont être sensibles à leur histoire et accepter de les écouter et de les aider.
C’est notamment le cas de l’oncle d’Albert, leur voisin, toujours prêt à intervenir à leur appel pour les sortir des situations difficiles où ils se sont fourvoyés.
Le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer avec ces six enfants débrouillards, un peu naïfs mais pleins d’imagination. Évidemment, le roman se termine avec un émouvant "happy end" et l’illustre famille Bastable est prête à vivre de nouvelles aventures. Mais ça, c’est une autre histoire…
Serge Cabrol
(22/04/24)
