C’est à toutes ces questions que Dominique Paquet vient apporter des réponses avec méthode et clarté. Le livre est partagé en deux parties très distinctes.
La première, Généalogie du merveilleux théâtral, éclaire cette notion de Merveilleux et suit son parcours depuis Aristote jusqu’au théâtre jeunesse d’aujourd’hui en passant par les fables et les contes, mais aussi les féeries, parades, ballets, pantomimes, mélodrames, vaudevilles ou numéros de cirque qui emplissent les théâtres au fil des siècles. Elle donne la parole à de nombreux auteurs qui ont abordé le sujet sous des angles différents de Fontenelle dans ses Entretiens sur la pluralité des mondes ou Fénelon dans son Traité de l’Éducation des filles jusqu’à la querelle Tolkien/Disney en passant par les surréalistes y compris dans les moments dramatiques de l’Histoire. « Au cœur de la guerre, Benjamin Péret dans un texte autobiographique, La parole est à Péret, 1943, relate son emprisonnement en 1940 et sa quête obstinée du merveilleux dans une prison sordide au travers des images nées des taches sur le mur et qu'il découvre couché sur son bat-flanc. Des visions se dressent, notamment la date de sa libération qui le frappe d'évidence comme une illumination. "Le merveilleux poétique est d'une nature lumineuse qui ne souffre pas la concurrence du soleil : il dissipe les ténèbres et le soleil ternit son éclat." Il est partout. »
Cette analyse « historique et sémantique » est évidemment très riche et passionnante.

La deuxième partie, Écrire et s’émerveiller, nous présente l’approche de vingt-cinq auteurs de théâtre pour la jeunesse constituant ainsi un beau répertoire pour les amateurs du genre et un « éventail des merveilleux dans le théâtre jeunesse des XXe et XXIe siècles ». Pour chaque auteur, Dominique Paquet présente une ou plusieurs de leurs créations pour le jeune public et met en exergue les éléments merveilleux qui sont au cœur de ces textes très différents les uns des autres. Ainsi, par exemple, « Pacamambo de Wajdi Mouawad, romancier, plasticien, auteur dramatique et metteur en scène associé à de nombreux théâtres au Canada et en France, directeur du Théâtre de la Colline depuis 2016, met en scène la mort d'une grand-mère et le chemin que va emprunter une petite fille nommée Julie pour y faire face. Sommée par un psychanalyste de révéler le motif de sa disparition, assiégée par ses questions et l'injonction de raconter, Julie sort peu à peu de son mutisme pour révéler ce qui l'a conduite à transporter le cadavre de sa grand-mère à la cave et à le veiller jusqu'à ce qu'elle soit découverte. La pièce conjugue des éléments du merveilleux – la lune qui figure la mort, le chien qui parle, les meubles qui bougent tout seuls – et des figures alchimiques, sources de réflexions symboliques et politiques. La grand-mère évoquait souvent Pacamambo, "le pays de toutes les lumières où l'on n'arrive jamais"… » Et l’analyse de cette pièce se poursuit sur la page suivante… Cette deuxième partie est une véritable mine de découvertes.

L’ouvrage se termine avec vingt-cinq pages de bibliographie (papier et numérique), de quoi prolonger ou approfondir cette quête du merveilleux dans laquelle Dominique Paquet a su nous entraîner par son érudition et son enthousiasme, la richesse et la clarté de sa réflexion et de son écriture.

Brigitte Aubonnet 
(10/10/24)