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Raphaëlle RED

Adikou

Mais pas le choix. En France on m’interroge et ici* on m’appelle yovo, et mon origine la plus juste, c’est peut-être quand même le vide. Le nulle-part. (*Ici, au Togo, yoyo veut dire blanc, blanche)

La narratrice et son double, sa conscience, sa honte, sa colère, sa « raconteuse », sa petite sœur, celle qu’elle appelle Adikou et dont elle ne sait même pas prononcer le nom, suffoquent à Paris dans leur costume du fast-food où elles travaillent pour l’été.  Elles s’encouragent à partir, mais cette fois, après un court séjour déjà réalisé, un voyage humanitaire au Togo, incognito, en tant que française, à y retourner, officiellement, pour essayer de vivre mieux, de respirer, de ne plus se sentir vide. Raphaëlle-Adikou, de mère française, va donc partir à la recherche de ses racines africaines, à la recherche de ce père absent, togolais.

Comme c’est difficile pour Adikou cette double appartenance dont elle ne ressent pas la richesse mais le vide, dont elle déteste jusqu’au vocable de métissage, que j’aimais bien sans y avoir réfléchi, mais qui renvoie, effectivement à une notion raciste de sang et de mélange. Toujours obligée de justifier ses origines en France, elle se fait traiter de blanche au Togo. Mais n’en a-telle pas le privilège économique ? Elle a les moyens de s’y promener, d’y rencontrer sa famille togolaise, et de repartir si ça lui chante. En compagnie d’un oncle, le frère du père, de son fils, un cousin, et pendant un trop court moment, du père, enfin, Adikou va à la découverte du pays paternel, le cœur battant. Mais les réponses aux questions difficiles ne sont jamais simples ni définitives.

 Si Adikou ne trouve pas sa place, et attend toujours la présence du père, Raphaëlle Red, elle, est bien entrée en littérature. Sa langue heurtée, mélange de brutalité et de douceur, fragmentée de niveaux de langage mêlés, éparpillée de colère, divagante puis apaisée parce qu’épuisée, nous embarque avec elle dans la lumière aveuglante de chaleur iodée et poussiéreuse de Lomé mais aussi par flash-back, dans la fournaise du sud des Etats Unis et les eaux glacées du calcul égoïste de New-York.

 A l’aube les contours du monde sont flous. Une route quitte l’Amérique en direction de Lomé, serpente vers le sud, se noie avant le large, s’échoue à Atlanta. 

Sylvie Lansade 
(27/03/24)    



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Lectures







Raphaëlle RED, Adikou
Grasset

(Janvier 2024)
224 pages - 19,50 €

Version numérique
13,99 €




Raphaëlle Red,
née en 1997 à Paris,
vit aujourd’hui à Berlin.
Adikou, pour l’écriture duquel elle a été en résidence à la Maison
des Artistes de Lomé,
est son premier roman.