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Salla SIMUKKA


Dans le noir, je peux être à toi


Ce roman, qui se déroule en Finlande, est construit en deux parties. La première, intitulée Dépression, est écrite du point de vue de Varpu, une adolescente de seize ans. La deuxième, Anticyclone, du point de vue d’une fille de sa classe, Saga.

Dans une petite ville en bord de mer, les collégiens fêtent la fin de l’année avant de partir en vacances. À la rentrée, ils iront au lycée.
Varpu a deux amis, Miranda et Veli, mais ils ne participent pas à la fête parce qu’ils ont trouvé un job d’été, contrairement à Varpu qui, pourtant, en aurait bien besoin parce que sa mère non plus n’a pas de travail. Quant à son père, il est pari en Islande où il a fondé une autre famille.

Varpu ne supporte pas les autres élèves dont sa pauvreté l’a séparée très tôt.
« Parfois je me demande si je me comporterais différemment avec eux si dès le début j'avais fait partie de leur groupe. Si je ne m'étais pas sentie différente dès le premier jour d'école.
Si j'avais eu de quoi me payer les mêmes vêtements, jouets, téléphones, voyages, loisirs. Si je n'avais pas été celle qui avait constamment peur que soit organisée une sortie scolaire nécessitant de débourser cinq euros ou dix euros. Je n'avais jamais de quoi. Alors le prof payait pour moi, en secret, mais tout le monde était au courant.
Ou en tout cas je pensais que tout le monde était au courant. »

Elle déteste particulièrement « le club des cinq magnifiques. Les rois et reines de la troisième et de tout le collège. Le groupe dont tout le monde voudrait faire partie mais auquel personne n'a accès. Rien ne vous a jamais fait défaut. Dans ce monde, tout vous a été donné. »
Et dans ce groupe, il y a surtout la plus belle, la fabuleuse Saga. « Tes longs cheveux blonds se balancent, humides d'eau de mer, ton corps bronzé est parfait, tes dents régulières et blanches, ton sourire étincelant. C'est toi que tout le monde regarde. »

Varpu se sent seule avec sa bouteille de cidre mais quand tout le monde s’en va, Saga reste là, s’approche de Varpu et l’embrasse, un vrai baiser, le premier d’une série qui, au fil des jours, les emmène très vite jusqu’à des plaisirs plus intimes au grand étonnement de Varpu.
Pourquoi elle ? Pourquoi comme ça, sans explications, sans parler ou si peu.
« Quand je rêvais d'être avec quelqu'un, je rêvais tout le temps de parler. Je rêvais de conversations marathons, pendant des heures, où on se serait révélé toute notre vie depuis l'enfance. Tous nos rêves, nos peurs, nos moments les plus gênants. […]
Mes rêves étaient pleins de conversations.
Avec toi c'est différent. Nous parlons assez peu. Tu ne racontes pas grand-chose sur toi et moi non plus je ne parle pas plus que ça de mes affaires. Parfois il arrive que nous entretenions la conversation un moment, mais ensuite les mots se tarissent, disparaissent. »
Leur relation est pourtant très chaleureuse, pleine de rires et de jeux, très érotique aussi, riche en caresses et plaisir.
Elles se retrouvent dans divers endroits et notamment une cabane dans le jardin d’un oncle de Saga, absent tous les étés. C’est comme une autre planère, hors du monde et de la réalité, un espace où l’on n’évoque rien de sa vie hors de la cabane.

Comme Varpu est la narratrice de la première partie, nous apprenons vite beaucoup de choses sur elle, son enfance, sa famille, ses goûts, ses envies, ce qu’elle aime ou déteste, ses espoirs, ses rêves, mais elle ne partage rien de tout ça avec Saga qui fuit les confidences.

Dans la deuxième partie, c’est Saga qui prend la parole et toutes ces interrogations trouvent leurs réponses.

La construction est intéressante, la présentation du livre en recto-verso originale, et l’écriture sert à merveille le sujet, l’autrice se glissant avec talent et délicatesse dans l’esprit de ces deux adolescentes pour exprimer tous leurs ressentis.

Un roman dans lequel beaucoup d’ados se retrouveront et comprendront qu’ils ne sont pas seuls à ressentir de pareilles émotions. La littérature ouvre des fenêtres pour regarder hors de sa propre vie et découvrir l’autre permet de mieux se connaître soi-même.  

Serge Cabrol 
(15/07/24)    



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Jeunesse







Actes Sud Jeunesse

(Juin 2024)
192 pages - 15,90 €

Version numérique
11,99 €


Traduit du finnois par
Martin CARAYOL











Salla Simukka,
née en Finlande en 1981,
a déjà publié
une quinzaine de romans,
surtout pour la jeunesse.