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Sara VALLEFUOCO

Noir d'encre


« Serra, mardi 4 juillet 1899.
À la frontière matinale de l’insomnie qui, depuis six jours, affecte le poste de Carabiniers royaux de Serra, quelqu’un va et vient dans le couloir en faisant claquer ses talons sans se décider à frapper ni à s’en aller. Les nerfs maintenant à vif, Ghibaudo se lève pour ne pas devenir fou. »

Ghibaudo, vice-brigadier, le personnage principal, est complexe. Au départ, Ghibaudo et son copain. Moretti sont appelés pour un vol à la maison de Lianora, propriétaire de la piscine miraculeuse.
« À la vue d’une armée de gens en piteux état qui franchissent à grand-peine un mètre après l’autre en mêlant chants, prière et cris, Moretti, d’instinct, empoigne son revolver d’ordonnance. Le train est arrivé et, sans la charrette d’Anania, les pèlerins ont été contraints de venir à pied. »

Le vol se mue en meurtre de Pittanu, un poète qui fut également carabinier. « Pittanu et Chicchinu [un autre poète] s’étaient connus comme ça, sur les tréteaux des foires, en menant la bataille contre la langue fourchue de ce vieux, qu’il repose en paix. Melchiorre [le vieux, l’aveugle] était le meilleur. »
En Sardaigne, en cette fin de siècle, il y a des joutes poétiques où sont dénoncés les travers des habitants, comme un mari qui bat sa femme, ou un village entier qui agit mal. Ces joutes sont très prisées et les gagnants sont récompensés en victuailles et boissons, de quoi vivre tout simplement.

Les carabiniers sont nerveux, ils ne sont pas encore remis d’un affrontement avec les brigands où l’otage de ces derniers est mort et le carabinier Marasco grièvement blessé, on ne sait s’il survivra. L’adjudant Audisio, qui commande le poste, est inquiet, très préoccupé par l’état de santé du blessé, et de plus, il y a ce meurtre (qui ne viendra pas seul).

Tout le monde, particulièrement Ghibaudo, s’interroge sur le geste de Marasco qui s’est interposé entre le fusil et lui. Ils s’interrogent sur son identité sexuelle, sur Amelia, la fille du docteur et qui a un projet en tête et veille le carabinier Marasco, les brigands et les poètes, sur Moretti, son ami, homme à femmes qui s’intéresse aux nouvelles techniques criminelles, précisément sur cette nouveauté, les empreintes digitales…

Noir d’encre présente des personnages complexes qui ont une grande densité, une grande volonté pour les femmes. Nuit d’encre révèle la Sardaigne à la fin du 19e siècle, une île pleine de superstitions et de vendetta, où les carabiniers mènent une dure lutte contre les brigands.

L’auteur, dans sa note en fin de livre, indique : « Noir d’encre est une histoire imaginaire qui vole sur les ailes de la réalité », car elle s’appuie sur les mémoires d’un carabinier en poste en Sardaigne, publiées en 1914. C’est plus qu’un bon polar, c’est un très bon roman, un récit basé sur l’Histoire et plein d’histoires.

Michel Lansade 
(10/06/24)    



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Noir & polar







Métailié

(Avril 2024)
256 pages - 22,50 €

Traduit de l’italien par
Serge QUADRUPPANI










Sara Vallefuoco
née à Rome, est professeure des écoles et pianiste. Noir d’encre est son premier roman.