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Lune VUILLEMIN


Border la bête


« J’écris quelque chose qui n’est ni un poème, ni une lettre, ni un chant, ni une prière, ni un cri, mais peut être tout cela à la fois. »
(Border la bête, p. 155)

« Un ventre lourd s’abime les muscles tendus dans les eaux de griffes eaux poignards. Des hommes aux bras fatigués ont extirpé la bête du lac blanc. Nous restons là, à observer le cervidé exténué couché sur son flanc » Tout commence par le sauvetage d’une orignale au Canada, en Nouvelle-Colombie. La narratrice, au nom ignoré tout le long du texte, aide Arden et Jeff à sauver la bête. Tentative vaine. Arden lui mettra une couverture sur la tête.

Arden, « la femme bois-flotté » aux mains brisées, aux « mains araignées » dont les pattes vont dans tous les sens, tient un refuge pour animaux blessés, dans leur chair ou dans leur esprit. Ainsi, y a-t-il, entre autres, un renard galeux ou des castors orphelins dont les parents ont sauté à la dynamite quand le propriétaire a défait le barrage. La narratrice va rester au refuge, l’hiver, à soigner les bêtes de la grange. De temps en temps, elle va se promener avec Jeff qui n’a qu’un œil valide. « Il est tôt, nous avons une demi-heure avant de devoir rentrer au refuge et commencer la journée de travail. Jeff s’est dit qu’il fallait qu’on fasse une écoute matinale et une écoute en début de soirée pour établir notre herbier sonore. Il me bande les yeux. » Et ce seront des poèmes que ces écoutes de la nature, mais ce n’est pas le but, juste recueillir la musique de la forêt.

Au refuge, il n’y a pas que les bêtes qui sont blessées ou malades. Chacun des protagonistes a une douleur, un souvenir invalidant, une perturbation pour vraiment rencontrer la nature vivante. Il faut mettre au repos cette ombre, Franck, pour la narratrice ; elle confiera « la lumière ambrée » au sapin baumier. Arden a réussi à se débarrasser de son frère et des taureaux briseurs de mains, de l’Ouest, de la prairie et de l’anglais et ainsi peut danser avec les coyotes.

Car ce qu’indique la superbe écriture du roman est que la nature est vivante et sensible, parle, avec des manières différentes, selon qu’elle est faune ou flore et que l’homme simple élément de celle-ci doit être à son écoute et l’aimer, respecter sa fragilité. « Tout me rappelle combien le sol sous nos pieds est fragile. Il n’y a pas que les orignaux qui meurent au matin. »

Histoire d’amour et de mort, Border la bête est un roman chamanique qui m’a saisi par sa "beauté naturelle".

Michel Lansade 
(28/06/24)    



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La Contre-Allée

(Janvier 2024)
192 pages - 19 €







Lune Vuillemin,
née en 1994, a grandi au fond d’une forêt de l’Aude puis a vécu en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario. Aujourd’hui, elle réside dans l'Héraut.
Après Quelque chose de la poussière (Chemin de fer, 2019), Border la bête est son deuxième roman.
(Source éditeur)