S’agit-il encore d’un féminicide ? C’est la question qui vient immédiatement à l’esprit quand une femme disparaît brutalement sans laisser de traces, surtout après toutes ces images d’un mari, effondré de chagrin, participant aux marches blanches avant d’être reconnu, quelques semaines plus tard, comme le meurtrier.
C’est dans cette situation que se retrouve Loïc quand il rentre d’un déplacement professionnel et découvre que Camille n’est plus là.
Sans être écrit à la première personne, le roman nous place du côté de Loïc et c’est lui que nous accompagnons dans cette terrible histoire.

Mariés depuis dix ans, Camille et Loïc ont acheté une jolie maison en Bretagne. Il est cadre dans une entreprise pharmaceutique, elle illustre des livres pour la jeunesse. Ils s’aiment et tout pourrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes s’il n’y avait ce désir d’enfant toujours insatisfait.
« Le désir d'enfant, si fort qu'il fait mal, les espoirs déçus, meurtris, l'amour qu'on ne fait plus seulement pour le plaisir, mais avant tout pour procréer, l'angoisse collée au ventre quand doivent arriver les prochaines règles, le sentiment d'impuissance, puis d'injustice.
Pourtant on leur a annoncé que tout allait bien chez eux, qu'échographies et spermogrammes étaient normaux, mais qu'il était possible qu'ils n'arrivent jamais à concevoir un enfant.
Alors a commencé un nouveau combat. Prises de sang hebdomadaires, stimulations hormonales, fécondations in vitro entre régimes farfelus, acupuncture et compléments alimentaires… »
Du côté de l’adoption, après quatre ans sur liste d’attente, ils ont cessé d’espé­rer.
Alors, ils ont opté pour une gestation par autrui. Interdite en France, la GPA est autorisée aux États-Unis. Ils sont passés par une agence américaine, ont choisi la femme qui portera leur enfant. C’est long, c’est cher. Ils ont dû se rendre en Californie pour des prélèvements d’ovocytes et de sperme, puis dans l’Oregon pour rencontrer Lorna, la femme porteuse, et sa famille.
Tout cela a pris des mois et maintenant que tout le processus est en bonne voie, que Lorna est enceinte depuis six semaines et que l’accouchement est programmé pour novembre, Camille a disparu.

Sans prévenir, sans un mot, sans bagages… Départ volontaire, enlèvement, féminicide, toutes les pistes sont ouvertes.
Les chiens ont suivi sa trace depuis la maison jusqu’au coin de la rue et puis plus rien. Elle a dû monter dans une voiture. De force ou de son plein gré ?  
C’est tout l’enjeu de l’enquête de savoir ce qui est arrivé à Camille et le lecteur, bien sûr, le saura mais à la fin du roman.

Pendant quatre cents pages, nous accompagnons Loïc dans cette épreuve. Il ne comprend rien à cette disparition Il ne sait pas comment annoncer cette nouvelles à Lorna qui attend leur bébé. Il doit affronter Blanche, sa belle-mère, qui le soupçonne d’en être responsable. Il doit aussi supporter les recherches policières, les perquisitions, les insinuations, les menaces, et même une garde à vue. Et puis les journalistes et les photographes prêts à tout pour un scoop et un gros titre.

Heureusement, il y a sa famille et ses amis qui le soutiennent. Et une journaliste qui parvient à le convaincre qu’elle ne cherche que la vérité, comme lui, et peut enquêter à sa manière…

C’est un parcours du combattant pour Loïc. Il est épuisé, souvent tenté de craquer, mais l’idée de ce bébé tant espéré lui permet de tenir malgré tout.

Nicolas Zeimet réussit un roman émouvant et passionnant, avec le choix original du point de vue du mari, innocent pour une fois mais lynché par la presse et l’opinion publique, qui doit faire face à la douleur de ne pas savoir ce qu’est devenue sa femme et gérer seul la GPA qui se trouve elle aussi au centre du livre. De quoi réfléchir sur ce délicat sujet, au moment où les sénateurs italiens adoptent une loi qui renforce l’interdiction de la gestation pour autrui en la rendant illégale même à l’étranger. Fort heureusement pour Loïc, dans ce domaine, la France n’est pas encore l’Italie…

Serge Cabrol 
(21/10/24)