Le point de vue choisi par l'auteur est celui de l'adolescent qui subit de plein fouet la loi de la cité, les préjugés et les codes tacites mais ils les a tellement intégrés qu'il a fini par les accepter et les reproduire.

Le récit, sans complaisance, raconte ses tentatives pour exister, souvent violentes et hargneuses. Il cherche qui il est à travers un périple urbain qui le mène auprès d'Ahmed, le "bouquiniste" de la cité qui rumine son amertume dans une "vieille baraque de chantier", auprès de son grand-père qui a été déporté, de Juliette, une blanche née à Yaoundé et nostalgique de l'Afrique... Ces rencontres successives l'amènent à comprendre que la réalité est souvent plus complexe qu'elle n'en a l'air.

Dans ce livre, Damien crie sa colère. Par bribes. Des phrases comme des coups : "Je voulais rien partager. Rien du tout. Surtout pas ça ! Je sentais des coups de poing dans l'estomac. A me plier en deux. Hurler. J'ai pas bronché. De toute façon, ma voix avait foutu le camp. Tout à coup, je me suis senti poisseux. Collant. Gluant. Un carambar fondu au soleil."

C'est un livre rude et âpre. Les phrases nominales semblent scandées, comme un poème qui permettrait à Damien de se libérer de toute la haine qui l'empêche de penser. Le livre se veut réaliste et c'est là toute sa force. Il n'existe pas de solution miraculeuse, c'est à chacun de trouver sa voie et de lutter contre l'ignorance pour transformer la société.

Enora Bayec 
(31/01/13)