Quelque part dans la nuit, un enfant s'endort, la tête vide car les mots ont disparu. Les livres sont systématiquement brûlés par le grand sultan qui veut régner en maître absolu :
Une seule allumette a suffi à effacer l'histoire de notre peuple.
Désormais, il n'y a plus que Lui, Lui et encore Lui.
Gloire au Sultan ! Gloire au Grand Incendiaire !

Un matin, cependant, l'enfant trouve une page intacte, échappée du brasier et ces mots qui ont résisté au feu :
O merveille, un jardin parmi les flammes.

Il sent une force monter en lui. Malgré la peur, il dérobe un morceau de charbon et inscrit la phrase sur le mur du palais. Un sursaut d'espoir traverse la foule. Des hommes et des femmes, armés d'un morceau de charbon, écrivent des bribes d'histoires dont ils se souviennent et recouvrent de leurs écrits les murs du palais.

Ce conte  permet aux plus jeunes de comprendre la violence d'un pouvoir tyrannique et le désastre des autodafés. Ces notions complexes deviennent accessibles à travers cette histoire poétique et le parcours de ce petit garçon pour inscrire quelque part des mots arrachés au feu.

Les illustrations épurées et symboliques contribuent à la puissance de cette fable. Les aplats de couleur figurent un paysage d'Orient qui alterne entre une grande luminosité et l'obscurité imposée par le règne du tyran. Le livre se clôture sur un magnifique tableau en clair-obscur. L'enfant, dissimulé derrière une végétation dense et sombre observe une famille réunie autour de quelques pages qu'une lanterne éclaire. Des taches jaunes dans l'obscurité  rappellent les couleurs du grand incendie qui a tout ravagé mais cette fois elles esquissent des fleurs qui s'ouvrent sur l'avenir et sur une promesse de bonheur.

Une très belle fable sur le pouvoir des mots et la puissance d'un groupe pour lutter contre l'oppression.

Enora Bayec 
(22/10/16)