Vêtus de shorts flottants et de survêtements d'équipe réserve, chaussés de bottines à lacets, Arnold et Sylvestre jouent les gros bras dans leur quartier respectif où ils terrorisent, chacun de leur côté, la jeune population de rongeurs qui les fuit comme la peste. Descendants du crocodile du Siam à moins que ce ne soit de l'Orénoque, les deux lascars ne se connaissent pas mais ils se ressemblent comme des jumeaux. Un jour, le hasard les fait se rencontrer au détour d'une déambulation dans les marais. Comprenne qui pourra, c'est le pugilat qui précède les présentations. Les deux adversaires bombent l'échine aux crêtes osseuses, roulent des yeux globuleux et actionnent leurs mâchoires aux quelque soixante-dix crocs. Un coup de patte griffue par-ci, une frappe de queue par-là, la bagarre fait rage entre les deux reptiles qui se disputent la suprématie des rives du lac. Un sifflement plus aigu qu'une sirène d'alarme interrompt le combat : Arnold et Sylvestre sont soudain empoignés au col par des pattes d'acier. C'est Maggy, un alligator femelle é-nor-me, qui entend séparer les belligérants. "C'est mon marais !" lance le monstre aux deux garnements qui ne s'attendaient pas à être confrontés à plus effrayant qu'eux-mêmes. Déguerpissant en quête d'un nouveau territoire, ils reviennent sur leurs pas aux cris de Maggy. Tombée dans la vase du marécage, sous les yeux d'un gigantesque caïman à deux têtes, c'est elle qui appelle au secours. Un secours qui viendra des deux bons diables qui la délivreront et des sables mouvants et du dragon… Sous la dictée de l'auteur australien David Bedford, Tom Jellett (un dessinateur de presse qui vit à Sydney) a illustré de son trait caustique cette parabole qui ravira les jeunes lecteurs.

Claude Darras 
(07/08/13)    
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