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Mais tu crois quoi, Bruno ? Tu penses que si elle connaissait ta vraie vie t'aurais une chance ? T'es vraiment con alors. Tu sais, ce genre de filles, comment elles appellent les mecs comme nous ? Des standards. Voilà ce qu'on est pour elles, standards. [ ] des middle, des mecs qu'on voit sans voir, qu'on fréquente sans aimer, des mecs comme il y en a tant dans le paysage, des types qui ne manquent à personne mais dont on ne peut pas se passer parce que ça fait ressortir les autres, les têtes de vainqueur. Son copain Gilles le lui a dit, Bruno Kerjen est un standard, un type passe-partout, qu'on ne remarque pas et qui ne veut pas être remarqué. Ni un battant, ni un perdant, juste un homme qui veut mener une existence tranquille, sans ambition ni professionnelle ni amoureuse. Côté travail, l'emploi qu'il occupe lui convient parfaitement. Depuis dix ans, dans une entreprise d'électronique située Porte d'Italie, il accomplit avec sérénité une tache manuelle répétitive en assemblant des fils de cuivre autour de petites puces. Son chef d'atelier lui a proposé une promotion mais il a refusé. Il valait mieux gagner petit, ne pas coûter trop cher pour éviter la prochaine charrette qui arriverait bientôt, il en était certain. Le soir, Bruno prend le RER pour rejoindre son deux-pièces à Vitry, où il vit seul. Côté amour, il a choisi le téléphone. C'est discret. Et plus propre : Bruno ne supporte pas l'odeur des femmes. Il préfère écouter les mots brûlants, imaginer une chambre drapée de velours rouge (au lieu du box de la plate-forme de hard-telling), se caresser, jouir, raccrocher. C'est simple comme un coup de fil Côté famille, il a préféré quitter Saint-Malo pour ne pas reprendre le café-bar de ses parents. Son bac pro en poche, il a cherché du boulot dans la région et, dès qu'il a pu, il est monté à Paris. Depuis le décès de son père, il retourne voir sa mère de temps en temps mais il ne s'entend pas mieux avec elle qu'il ne s'entendait avec son père. C'est quand même, à chaque fois, l'occasion de revoir Gilles, son copain de lycée, qui préfère rester en Bretagne et travailler au port plutôt que chercher un emploi correspondant à son bac pro. C'est Gilles qui, un jour, apprend à Bruno la nouvelle qui pourrait faire basculer sa vie et exploser en vol sa petite tranquillité. Comme la Mathilde de Jacques Brel, Marlène est revenue ! Marlène c'était la star du lycée professionnel où
elle suivait une formation de coiffure/manucure. Elle se tenait un cran
au-dessus de tous, attirée par la mode et le milieu du cinéma,
sûre que son destin basculerait en sa faveur dès qu'elle quitterait
son environnement. On l'attendait quelque part. Un jour, ils entendraient parler
d'elle. Et voilà qu'après toutes ces années de silence, Marlène est de retour. Gilles
l'a croisée par hasard dans un bar de Saint-Malo. Elle était partie
dans le Sud, à Menton, à Nice
Et si c'était le moment de tout changer, tout remettre en jeu, devenir un battant ? Bruno en est-il capable ? Pourquoi et comment cesserait-il d'être un "standard" ? Nina Bouraoui réussit là un roman très fin, très subtil, en composant, touche à touche, le portrait d'un antihéros qui voudrait se claquemurer dans une carapace l'isolant du monde et des émotions mais que la tentation revient tourmenter, menaçant de ruiner tous ses efforts. La carapace est-elle un abri sûr ? Le bonheur est-il dans le refus de la souffrance ? Jusqu'où Bruno sera-t-il entraîné ? Autant de questions qu'on se pose de chapitre en chapitre et qui maintiennent l'intérêt du lecteur jusqu'à la dernière page. Serge Cabrol (14/03/14) |
Sommaire Lectures Flammarion (Janvier 2014) 288 pages - 19 €
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