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Anna DUBOSC


Le dessin des routes


Le narrateur a eu un accident : « Ça fait cent ans que je suis né. Dans ma tête, j'ai cent ans. De toute façon, le temps, qu'est-ce que ça prouve ? Des fois, une heure, c'est l'infini. D'autres fois, une miette. La preuve : un jour, j'ai vieilli tout d'un coup. Ma mère, je l'entends encore qui crie : "Au secours !" Et rebelote : "Au secours !" Et au secours et au secours... Après, je me souviens des feux clignotants. Puis plus rien pendant un bout de temps... Quand je me suis réveillé, tout était blanc. J'étais allongé dans un lit. J'écoutais un petit bruit. » Cet événement joue certainement un rôle car, depuis, il est un peu paumé. Les relations avec sa mère ne sont pas toujours faciles non plus.

Un jour, il rencontre Diane, elle aussi assez désorientée dans sa vie. Elle n’hésite pas à se promener en petite tenue : « Diane s'est pointée : "Salut les potes !" Je me suis retourné et j'ai rougi, parce qu'elle était toute nue. J'ai senti qu'elle aimait bien ça, qu'on soit gêné. Qu'elle s'en faisait même un point d'honneur. Le petit, lui, semblait habitué. » Elle vit libre, écoutant ses désirs en ayant diverses aventures avec des hommes. Le narrateur comprend très vite que c’est une femme dont il vaut mieux ne pas tomber amoureux.

Il va se prendre d’amitié pour Pierre, le fils de Diane et de Christian. Ce dernier a quitté Diane car il ne supportait plus son attitude avec les hommes. Il disparait puis réapparait. Il a du mal à s’occuper de l’éducation de son fils : « Je compte plus les fois qu'elle a déménagé. Elle a dû faire tous les départements ! Elle tient pas en place, c'est une maladie. Pierre, il a jamais fini l'année dans la même école. Alors comment tu veux qu'il prenne ça au sérieux, franchement ? Si je pouvais obtenir la garde... Heureusement, maintenant, je l'ai reconnu. Parce qu'y a encore trois ans, elle voulait pas. Elle me disait que ça l'arrangeait pas que je reconnaisse Pierre. » Diane qui a eu son enfant très jeune n’est pas prête à assumer son rôle de mère. Elle ne le réveille pas quand c’est l’heure d’aller à l’école. Elle le laisse quelques jours chez le narrateur car elle part avec un homme et ne donne plus de nouvelles. Une autre fois, elle part plusieurs jours en laissant Pierre tout seul…

Le roman se déroule en Bretagne. On ressent très bien le désespoir et la dérive de ces personnages perdus dans leurs vies, sans trop savoir comment faire, fuyant devant leurs responsabilités.

Au milieu de cet environnement un peu déjanté, il y a Pierre, cet enfant qui fait comme il peut dans sa famille déglinguée et cette très belle relation qui s’établit entre lui et le narrateur, cette affection est indispensable à chacun mais pourra-t-elle les sauver ? « Je prends Pierre dans mes bras et monte à l'étage. Je cherche sa chambre, je pousse les portes du coude. Finalement je la trouve, au fond du couloir. La lune éclaire la pièce. Je couche le petit, je lui enlève ses pompes et je descends dormir sur un canapé. »

L’écriture directe sans fioriture évoque très bien ces vies compliquées où les personnes cherchent à donner du sens à ce qu’elles font même s’il n’est pas simple de trouver sa voie.      
Un roman qui évoque avec des mots de tous les jours ce quotidien où les adultes se comportent parfois comme de grands enfants. Une réalité de notre société très bien rendue.

Brigitte Aubonnet 
(16/11/14)    



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Rue des Promenades

(Mars 2014)
128 pages - 15 €







Anna Dubosc,
née à Paris en 1974, a publié des textes, des chroniques et des interviews dans diverses revues. Ses collages et dessins ont été exposés dans des galeries.
Le dessin des routes est son troisième roman chez le même éditeur.