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Joël EGLOFF

J’enquête



Le dernier-né de Joël Egloff nous entraîne une fois de plus sur les rives de l’étrange, du décalé, de l’absurde.

Un homme arrive dans une gare où normalement l’on devait l’attendre. Il avait demandé la discrétion mais c’est plus que de la discrétion : « À la gare, personne. J'ai posé mon sac à mes pieds et j'ai regardé autour de moi. Comme j'avais demandé qu'on soit discret, qu'ils ne viennent pas m'accueillir, surtout, avec mon nom inscrit en grand sur un carton qu'ils brandiraient aux yeux de tous, j'ai pensé qu'ils se tenaient peut-être un peu à l'écart et n'apparaîtraient qu'une fois l'endroit redevenu désert. Mais ce ne fut pas le cas. »

Nous comprenons très vite que le personnage principal est un détective privé qui arrive dans une petite ville pour enquêter comme nous l’indique le titre du roman. Il doit élucider la disparation, enfin l’enlèvement, comme le souligne le père Steiger accompagné du sacristain Beck, de Jésus dans la crèche installée pour Noël.

Et l’enquête commence. Il neige, il fait froid et l’enquêteur s’englue dans le temps, dans la neige, dans le vide de ce village où il ne se passe pas grand-chose. Il appelle sa femme régulièrement mais le temps passe et il recule de plus en plus le retour chez lui. Le jour de son arrivée, il avait oublié dans le train le bonnet et les gants que sa femme lui avait offerts. Etait-ce un signe prémonitoire ? 

Peu à peu, sa femme s’organise sans lui. Elle s’occupe des enfants, de tout ce qu’il y a à faire dans la maison…

Tout se délite sous nos yeux ébahis par la virtuosité de Joël Egloff pour parler de la vacuité des vies. Nous plongeons dans l’absurde comme pouvait le faire Beckett.

Le personnage est si maladroit, si peu efficace qu’il s’enfonce dans son enquête comme dans sa vie. Le village est aussi un lieu creux. L’accumulation de petits riens sans importance vont prendre une place folle : « Excusez-moi, m'a-t-elle demandé alors, mais vous êtes allé chez le coiffeur, ou je me trompe ? Vous l'avez remarqué ? me suis-je étonné. Mais bien sûr, m'a-t-elle dit, cela m'a tout de suite sauté aux yeux. Effectivement, ce n'est pas très réussi, ai-je marmonné. Ah, mais non, cela vous va très bien, au contraire, m'a-t-elle assuré. Vous êtes gentille, j'ai fait, en regardant mes bottines. Mais pas du tout, m'a-t-elle répondu, je suis très sincère, et c'est impressionnant de voir de quelle manière cela met votre regard en valeur. Vraiment ? ai-je balbutié. »

Il espère résoudre son enquête au plus vite, être payé pour sa prestation mais rien ne se passe comme il l’imagine : « On dit : "Qui dort dîne", mais ce qu'on ne dit pas, c'est que qui ne dîne pas ne dort pas, ce que j'ai pu vérifier à mes dépens, car une heure, à peine, après avoir enfin pu trouver le sommeil, je me suis réveillé avec un véritable nœud à l'estomac. »

L’écriture nous porte avec fluidité et humour tout au long du texte pour révéler une question bien grave : « En fait, qu’est-ce que vivre ? »
C’est un très beau roman qui nous bouscule dans nos habitudes ! Il faut vite s’occuper de ce qui est essentiel dans la vie. Vivre vraiment car le temps nous est compté !         

Brigitte Aubonnet 
(24/05/16)    



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Buchet-Chastel

(Mars 2016)
288 pages -16 €








Joël Egloff
né en Moselle en 1970, nouvelliste et romancier,
a obtenu plusieurs prix littéraires dont le Prix du Livre Inter 2005 pour L'Étourdissement.





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